Dans le bassin de la fontaine nagent en rond trois baleines : une blanche, une bleue, une naine – c’est heureux car le bassin suffit à peine pour trois baleines.
Avril venu, il était temps qu’elles viennent. Comment ? Déposées là par une pleine lune ou par une pluie d’orage ? Mais non ; tout simplement à la nage. Elles ont remonté la Loire ou la Seine, puis jouant à saute-ruisseau sont arrivées jusqu’au sourceau qui donne à boire à la fontaine.
Que font-elles ces trois baleines ? L’une débrouille l’écheveau, l’autre file la laine et le lin ; la troisième – fil de trame sur fil de chaine – tisse l’eau. Si vous pensez que je divague, dites-moi ce que sont les vagues – de l’eau nouée avec du vent ; pas besoin d’être plus savant.
On dit qu’elles filent ainsi avril, tresse indécise de grésil et de promesses de soleil, torsade mi-bourgeon mi-giboulée liant brin à brin mars et mai. On dit aussi – que ne dit-on ? – leur fil de laine attrape-rêve, celui de lin chasse-peine ; dont le moindre brimborion garde vifs les sentiments au moins jusqu’au prochain printemps ; garçons, prenez-en de la graine.
Le certain ? Un matin, avril fini, partiront les trois baleines. Le bassin rond sonnera creux. Vide jusqu’à l’année prochaine, l’eau vive attendra que reviennent la blanche, la bleue et la naine.
* * *
Un poème-du-dimanche écrit pour le fil de l’agenda ironique d’avril.
Le bas de l’aine, un vieux truc à erre nie…pourvu que les baleines fassent pas l’objet d’une prise d’otage par un raid de paras pluie…
Merci l’Oiseau ; pas de risque de raid sur la fontaine, les parapluies savent trop ce qu’ils doivent aux baleines.
Sublime… Féerique et tendre. Je connais des enfants qui vont l’entendre !! 😉
Chouette, je vais réaliser mon rêve de Zazie : « faire c…. les mômes » !
en vrai, merci Camille.
Tu rigoles ! Ils vont adorer !! Je te dirai, promis…
je suis toujours stupéfaite de ton imagination débordante ! mais que ces trois baleines sont sympa ! la naine ne serait-elle pas un balein-eau ?
C’est surtout la fontaine qui doit déborder ; et puis j’ai emprunté les trois baleines à Jobougon :
https://jobougon.wordpress.com/2016/04/10/loeuf-qua-vu-loeuf-qua-vu-loeuf-qua-vu-le-cul-de-la-poule-en-tombant-dans-lpanier/
j’ai juste eu à les plonger dans la fontaine et à les regarder tourner en prenant des notes.
détournement de cétacés ! grave !!! 😀 à moins que ce ne soit avec l’accord du proprio 😉
Magnifique, comme toujours …!
Merci, LaBelette 🙂
Douceur, poésie et rythme…
J’aime beaucoup, beaucoup beaucoup !
ça fait pile un « beaucoup » pour chaque baleine ; elles te remercient (la bleue, la blanche et la naine).
Oh, quel joli conte tissé de plumes et d’air, de mots et d’eau. Ma-gni-fi-que ! On se laisse dériver, emporter, flotter sur la trame de l’écheveau…
Merci Anne ; des fois, ça veut bien, et les mots se tricotent presque d’eux même. Faut juste noter et essayer de ne pas contrarier les baleines.
Ça c’est bien vrai : ne JAMAIS contrarier les baleines…
Je reviendrai lire et relire, une vague un peu vague me surprend tout à coup, ce vide à leur départ, jusqu’au printemps prochain, me laisse rêveuse, alors joker fil de laine, je file derrière les baleines pour les suivre. 🙂
Ce texte est juste superbement poétique, tisser de l’eau avec du vent, si ce n’est pas de l’art, alors c’est du génie !
Pas de vague à lame, les baleines sont là jusqu’à la fin du mois – une grosse quinzaine.
« si c’est pas de l’art, c’est du génie » ? …je le dirais à la troisième baleine, puisque c’est elle qui tisse vent et vague (c’est vrai qu’elle est géniale)
🙂
Quel beau poème pour dire Avril.
Ronron !
« les vagues – de l’eau nouée avec du vent « , j’adore.
Merci Lucie ; j’ai trouvé cette image par hasard, forcé par la rime avec « pas besoin d’être plus savant » ; mais j’en suis aussi fier que si je l’avais inventé tout seul 🙂
Le tissage d’O c’est pour les jeux olympiques.
Inciter des athlètes à tisser dans la piscine … hum..
Une autre belle rivière de mots, carnets.
Merci Caroline ; il y a plus de vraies baleines dans les eaux du bassin du grand Saint-Laurent que dans nos petites fontaines de par ici. 🙂
Et si les baleines grandissent d’ici l’année prochaine, comment feront-elles ?
C’est de la poésie en prose, ton texte est vraiment très beau. Il est comme je les aime : les images apparaissent immédiatement dans ma tête. Maintenant les baleines, la bleue, la blanche et la naine dansent dans ma tête.
SI les baleines grandissent ? sans doute la fontaine grandira aussi : elles ont partie liées. Merci pour ton commentaire ; j’espère que les baleines te laissent un peu de place dans ta tête 🙂
Avant d’embrouiller les mots et de trop emmêler mes fils, j’ai poser mes aiguilles et tricoter un nouvel article, ici
https://patchcath.wordpress.com/2016/04/14/cetait-un-soir-doux-et-triste/
Merci
Bien reçue, et merci !
j’ai du retard de lecture, mais je vais me rattraper.
Mais ce sont des Parques aquatiques, ces trois baleines fileuses et tisseuses!
Sont-elles maitresses de nos destins aussi?
en effet, elles m’ont un peu fait pensé aux Parques. Maîtresses de nos destins ? sans doute un peu en avril, et plus longtemps pour ceux qui trouvent un brimborion de leur fil 🙂
Très joli, très poétique…et une écriture qui tinte comme une ritournelle enfantine…qu’on voudrait entendre encore et encore !
Merci pour ce bon moment en compagnie des trois belles baleines brodeuses …
Bas-bleue, Bas-de-laine et Ba-naine ? 😉
Merci Licorne ; oui, il y a de la ritournelle, de la comptine et de la récitation d’école derrière les trois baleines, Bas-bleue, Bas-lin et Bas-laine.
Baleines se cachent à l’eau. Fil aquatique, pas toc. (toque?).
Un peu toque-toque, je crois 🙂
Une bien jolie allégorie…
merci !
Bizarre mais ça me fait souvent ça à la lecture de tes récits, j’ai comme l’impression de me faire balloter comme un fétu de paille dans le vent ou sur les vagues, un manipulateur de mots le Monsieur.
Toujours autant de plaisir à te lire.
Merci Dominique ; sauf que je plaide non-coupable, c’est les mots qui me manipulent, m’sieu le juge, moi je passais par là par hasard.
Superbe ode aux grands cétacés, la seconde grande oeuvre littéraire sur le thème après Moby Dick. En plus calme, avec de belles échappées qui filent en douce. Félicitations, j’aime beaucoup.
« Après Moby dick » ? va falloir que j’en mette un coup pour passer devant 🙂
blague à part, Merci beaucoup Modrone.
Joliiiii!
Trois baleines sur le fil, qui font le moi d’avril! Et Jonas en mars? Un poeme du dimanche, hein?!😂
Bises
Hé oui, trois baleines qui sèchent au vent, suspendues au fil d’avril, avec un grand sourire. Et Jonas qui se demande s’il doit vraiment plonger dans le bassin de la fontaine pour accomplir son destin-du-dimanche ! 🙂
😉
j’aime particulièrement celle qui tisse l’eau (la baleine naine ?)
c’est gros comment une baleine naine ?
Bisessss
Je crois qu’en fait elles font les trois-huit, tissant l’eau chacune leur tour 😉
« c’est gros comment une baleine naine ? » pas trop -pour ne pas faire déborder le bassin de la fontaine – , mais quand même un peu – c’est une baleine, pas un poisson rouge.
J’aime beaucoup ce jeu d’échos, c’est une fontaine à free sons pour les oreilles 🙂
Merci
Merci Zoé 🙂
Baleines fileuses et tisseuses d’avril, belle image.
Je ne peux que me répéter et te dire, c’est très beau.
Merci Jacou ; elles sont venues un peu au hasard, portée par une ritournelle.
Je n’ai pas perdu mon lundi. Je vais l’imprimer, le relire, l’apprendre, le réciter aux petits autour de moi. Si j’ai aimé ? Ben voyons ! Modeste va ! Je n’ose même plus t’écrire gros bisous.
Chouette, un lundi de pas-perdu, c’est dix de moins à retrouver !
Tu me diras si ça endort les mômes (dans ce cas je dépose un brevet). Et non, je suis pas modeste, je suis même très fier d’avoir croisé ces trois baleines souriantes (ben oui, je les vois plutôt souriantes)
Ma-gni-fique ! Si tous les poètes du dimanche étaient comme toi…on va dire à ceux du lundi de rembobiner leur pelote ! 😆 Tu nous a tricoté de la belle ouvrage et tu sais bercer tes lecteurs… C’est juste parfait ! 😀
Merci Aspho ! le drôle c’est que j’étais parti sur une forme classique (avec des rimes et des pieds et tout ça) et puis en route je me suis dit que les pieds et les baleines, ça collait pas, et hop, forme libre. Et en effet ça coule bien plus facilement 🙂
Un ballet de baleines jouant à saute-saumon jusque dans les entrelacs de flaques ! Ce Carnets nous ravit d’Avril !
Merci Patte ;
Manque un chat bien ancré sur la margelle qui regarde tourner les baleines, hésitant à balancer un coup de patte dans l’eau… hum, trop humide… plutôt jouer avec les bobines et les fils de laine et de lin 🙂
Superbe poème ! Et j’aime bien l’alliance des rimes avec la prose, c’est original 🙂
Merci ! comme répondu à Asphodèle, j’étais parti d’une forme classique (avec rime) que j’ai préféré allonger en prose en essayant de ne pas trop casser le rythme et l’écho des rimes.
Ah désolée de t’obliger à te répéter ! Tu as tellement de commentaires que je ne les ai pas tous lus 🙂
Mais ça ne me dérange pas de me répéter 😉
ou les parques revisitées par Prévert avec un parfum de comptine, c’est très joli ces baleines dans la fontaine
Merci Emma !
Comme elle est jolie cette comptine ! Je vais la lire à mes enfants dans le train pour la France, des fois que deux ou trois baleines auraient envie de prendre l’air dans la Manche ! Ca se lit comme on boirait à la source qui chante.
Merci Frog ; les trois baleines seront ravies de faire un tour sous le Channel, surtout si elles accompagne des enfants !
Ici aussi un parfum de Prévert si joliment brodé façon Carnets. Envoûtée par la poésie…
Merci Almanito ; j’aime particulièrement ces trois baleines qui font des ronds dans leur fontaine 🙂