« Va-et-Vient » numéro 7 : « Un souvenir futur », par Dominique Hasselmann

Pour l’édition de ce Va-et-vient N°7, jeu littéraire paraissant tous les premiers vendredis du mois, je reçois avec plaisir Dominique Hasselmann, qui accueille ma contribution sur son blog intitulé Métronomiques. De son côté, Amélie Gressier invite sur son blog Plume dans la main Dominique Autrou, qui, en retour, la publie dans La distance au personnage, tandis que Marie-Christine Grimard reçoit sur son blog, Promenades en Ailleurs, Brigitte Célérier, qui l’invite, en échange, sur Paumée.

Le prochain Va-et-vient (numéro 8) est prévu le vendredi 1er décembre, le thème choisi est : « Un parfum de sapin ». Toutes les participations sont les bienvenues.

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Un souvenir futur

 

(Réception des Gueules cassées aveugles à l’Élysée, 22.3.1922. Photo Agence Rol, BnF Gallica.)

Je me souviens de l’année (2027) mais pas vraiment du jour et du mois (1er avril ?) : Marine Le Pen était élue présidente de la République et l’emportait très haut la main.

Séisme, cataclysme, répliques à attendre… Le sismographe événementiel en avait perdu son tracé rectiligne devenu tout tremblé. L’extrême droite était soudain parvenue au pouvoir suprême, une hypothèse longtemps cachée, déniée, sous-estimée aussi bien par la classe politique que par ses analystes patentés.

La gauche, et son bras extrême, était partie à la bataille avec une pléthore de candidats : Nathalie Artaud, Bernard Cazeneuve, Carole Delga, Anne Hidalgo, Yannick Jadot,  Jean-Luc Mélenchon, Philippe Poutou, Fabien Roussel, François Ruffin, Marine Tondelier…

La droite et le centre réunis avaient lancé quelques « têtes d’affiche », telles Gabriel Attal, François Bayrou, Gérald Darmanin, Bruno Lemaire, Olivier Marleix, Laurent Wauquiez, Édouard Philippe, qui se révélèrent, en définitive, avoir fait mauvaise figure dans la compétition électorale.

Il est vrai que le programme populiste de Marine Le Pen se présentait aimablement pour satisfaire les désirs secrets du peuple français dans sa majorité :

  • Suppression totale de l’immigration ;
  • construction d’un mur (à l’image, en plus solide, de celui de la Bande de Gaza) autour de nos frontières dématérialisées ;
  • « priorité nationale » au sein de l’Union européenne ;
  • budget décuplé pour l’Éducation populaire et l’agriculture « de chez nous » ;
  • combat contre les éoliennes et pour le nucléaire ;
  • surveillance renforcée de la presse, des intellos et des profs manifestement « de gauche » ;
  • référendum sur le rétablissement de la peine de mort ;
  • augmentation exponentielle des effectifs, salaires et moyens des forces de l’ordre.

Quelques jours après son élection triomphale, le porte-parole de Marine Le Pen, Laurent Jacobelli, vint lire, sur le perron de l’Élysée, la composition du nouveau gouvernement :

  • Premier ministre : Jordan Bardella ;
  • Ministre de l’Intérieur : Thierry Frappé ;
  • Ministre de la Justice : François Ebay ;
  • Ministre des Armées : Marion Maréchal ;
  • Ministre de l’Économie : Laure Lavalette ;
  • Ministre des Affaires étrangères : Nathalie Da Conceico Carvalho ;
  • Ministre de l’Éducation populaire : Florient Philippique ;
  • Ministre des Transports : Frédéric Falcon ;
  • Ministre de l’Éco-logis : Sophie Blanc ;
  • Ministre du Travail, Famille, Patrie : Louis Aliot ;
  • Ministre de la Campagne et de la ville : Robert Ménage ;
  • Ministre des Sports et activités culturelles : Roselot Bachelyne ;
  • Ministre de la Propagande et ficelles : Julien Ottoul ;
  • Ministre de la Jeunesse : Sébastien Chenu ;
  • Ministre de la Chasse : Bruno Retailleau.

Le nouvel horizon politique avait été installé et mis en scène, l’avenir radieux se déployait sur fond de flamme tricolore. Je décidai d’appeler un médecin que je connaissais plus que de réputation :

– Allô, docteur Frankenstein ?

– Ya ! Jé vous écouté !

– Vous pratiquez toujours la lobotomie ?

– Yawohl ! Aber, cé pour qui ?

– Un ami, qui me dit ne plus arriver à faire la distinction entre rêve et cauchemar…

– Wunderbar ! Conseillez à lui s’adresser à mon assistante pour rendez-vous prendre, et vous savoir sans doute son nom : Marie Shelley.

Texte : Dominique Hasselmann

 

31 commentaires

  1. J’ai bien senti le neurone du mauvais rêve se dresser sur mon bulbe rachidien à l’évocation de ces jours sombres hypothétiques. 😨
    Nous affons les moyens de les faire taire… 👀

  2. « C’est du nouveau toujours vieux, et du vieux toujours nouveau. » Auguste Blanqui. 😉

  3. Bien vu !
    (et bien raconté)
    Mais les pires régimes ne sont pas ceux qui « annoncent » la couleur…ce sont ceux qui vous font croire que vous êtes encore libres alors que vous ne l’êtes plus depuis longtemps.
    (relire Huxley)

    • Le titre de « pire » est curieusement très discutable…et disputé. Sans compter que parfois les candidats se font la courte- échelle, en mode garantie & repoussoir…🦤

      • @ carnetsparesseux : le terme de « pire » est sans doute plus facile à diffuser que l’expression « de Charybde en Scylla »… même si le contexte « marine » est pour l’occasion (!) assez bien adapté. 🙂

  4. George Orwell avait bien vu une autre facette du phénomène…
    Quant à moi, je ne défends pas du tout le RN, bien sûr…
    je ne défends aucun parti, d’ailleurs !

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