Sous les trois pieds de la marmite

 

Dans la gueule de la marmite,
trois beaux navets vont tombant,
chutez navets jaune et blancs !
Trois flammes dansent autour de la marmite
dans leurs beaux atours rougeoyants.

Dans le ventre de la marmite
trois beaux navets vont nageant
le plus gros rêve à ses mérites
et aux belles amours d’antan,
le plus rond songe aux royaumes
et aux montagnes, aux grands vents
sur les forêts et les vagues.
Le plus blanc pense au joli temps
où il poussait en plein champ.

Sur les flancs de la marmite
trois flammes rouges vont chauffant.
Si la plus courte ronge sa bûche
et soupire aux frissons du vent,
la plus haute danse impatiente
dans le grand air du soufflet.
La plus souple tourne en rêvant
en rêvant à la soupe cuite
qu’elle ne goûtera jamais.

Sous le fond de la marmite
nichée dans la suie noire collante
au mitan de la cendre blanche,
entre les trois pieds de la marmite
la faim aiguise ses trois grandes dents.

 

 

***

Chanson de cuisson écrite en écoutant la version cid’ssus de Si beag si mor, valse de Turlough O’Carolan, enregistrée par un ami, voyageur imaginaire.

Illustration : Cuisiniers préparant le repas des civils à Herne dans la Ruhr, agence Rol, 1923. Bnf/Gallica

41 commentaires

    • là, la musique était enregistrée avant de songer à l’accompagner de mots. ça n’est pas si facile, d’autant que le morceau est très chargé d’images et d’ambiance ; faut trouver la place des mots !

    • Laurence, autant pour le grand poisson, je m’étais contenté d’écouter la musique et d’écrire, autant cette fois-ci j’ai fait gaffe a décortiquer le morceau pour saisir sa métrique ; pas au point d’écrire une chanson qui collerait à la mélodie, mais assez pour y dénicher la « ritournelle » qui m’a donné les premières phrases

  1. question métaphysique cependant ! sur les trois navets, combien sont blancs ? il y a le plus blanc, mais est-il plus blanc que les jaunes ou plus blanc qu’un autre blanc ? bonne soirée Carnets

  2. Une collaboration toujours impeccable entre auteur et interprète 😉
    Bravo, un joli moment
    •.¸¸.•*`*•.¸¸☆

  3. Bon jour,
    C’est prenant, c’est envoûtant, c’est le goûtant des mots … loin d’être un navet ce texte flambe amoureusement dans le ton et les sons… j’adore… 🙂
    Max-Louis

    • Merci Max-Louis ; le goût des mots vient de ce qu’ils ont longtemps trempé dans la valse d’ O’Carolan (accessoirement, l’auteur a aussi longuement mariné et se demandant comment écrire quelque chose qui ne soit pas une simple illustration fade de la musique)

    • Ah, si c’est « terrible et joli » c’est réussi 🙂
      à mon idée, les trois navets sont un peu cousins des trois canards de la chanson, et la marmite est bien sûr chaudron de sorcière ; s’agissant de manger, il était normal que la faim soit là, et là à la fin.
      Mais entre ce qu’on imagine et ce qu’on écrit (et ce qu’on imagine écrire !) il y a de la place…. ce qui laisse d’ailleurs de l’espace pour l’imagination des lecteurs, heureusement !

  4. Délicieux, qu’il fait bon déguster ce joli plat accompagné de cette charmante ballade.
    Merci à tous les deux.

    • Merci Dominique ; écrire sur de la musique est toujours un plaisir (pas toujours facile, parce que la musique raconte déjà beaucoup de choses, autrement et mieux que les mots… mais quand ça décante, c’est un plaisir !)

    • faut laisser aux trois navets
      le temps de nager
      faut laisser aux trois p’tites flammes
      le temps de danser
      faut laisser à la faim
      le temps d’aiguiser ses dents
      🙂

  5. Autour du chaud de la marmite
    trois beaux grands hommes vont rêvant
    que quand la soupe sera cuite
    elle f’ra le bonheur des enfants
    Dans leurs visages on lit l’envie
    qu’il s’ensuive un moment de fête
    pour les familles accablées
    par une bataille aussi bête…
    ‘Scuse le sérieux, paresseux.
    J’ai été curieuse quant à l’histoire de cette photo…

    • J’ai pas pensé aux carottes, mais aux oignons, à l’ail et aux patates…. mais ça voulait dire un couplet de plus à chaque nouveau légume… alors, on dira que les navets représentent la grande famille des légumes à soupe (licence poétique).
      Merci victorhugotte

  6. Quel plaisir de découvrir ce texte et cette musique.
    Vous faites de bien belles choses messieurs. J’espère que vous continuerez à régaler notre imagination. Bravo, Bravo, Bravo !!!

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