…comment un corbeau pourrait-il savoir ce que ressent une étoile ? A la voir plantée là-haut, toute immobile et fière, il a l’impression qu’elle se cramponne comme elle peut pour ne pas perdre l’équilibre, plus crispée que rigolarde ! Elle a même l’air un peu perdue… veut-elle de l’aide ? Il hésite à lui poser la question. Pourtant, quel meilleur moyen de savoir ? Et puis il se dit qu’il va l’effrayer, ou passer pour un idiot – sans compter qu’il a un fromage emballé de papier cadeau qui lui encombre le bec, ce qui ne facilite pas l’élocution. D’ailleurs, est-ce qu’elle l’a entendu chantonner tout à l’heure ? D’y songer, il est honteux et confus…
L’étoile a bien remarqué ce drôle de plumeau volant qui s’est posé dans son arbre. Forcément, il l’a réveillée avec sa chansonnette. Mais elle fait semblant de rien. Il faut savoir qu’elle est en carton ; du carton doré – c’est peut-être un détail pour vous, mais pour elle ça veut dire beaucoup. Et elle, l’étoile, a parfois l’impression fugace qu’elle ne devrait pas être perchée sur un sapin, surtout ce soir. Qu’elle a un autre rôle à jouer, plus important que de commander aux guirlandes. Mais lequel ? D’autres fois, elle a des doutes : il y a tellement d’étoiles, et certaines – même si c’est dur de l’admettre – sont bien plus brillantes qu’elle. Alors pourquoi serait-elle l’élue ? Est-ce qu’elle ne se fait pas des idées folles ?
Maintenant, elle se demande ce que ce corbeau vient faire ici dans son histoire à elle, et cette nuit précisément – qu’elle pressent cruciale. Quand elle rêvait d’un messager ailé, elle imaginait plutôt une colombe. Mais peut-être est-ce ce maigre piaf noir qui vient lui porter la bonne nouvelle ?
En attendant, elle ne veut pas donner l’impression de trop s’intéresser à lui. Alors elle tend, l’air de rien, ses oreilles en carton doré. Elle attend qu’il parle. Mais le piaf maigre n’a pas l’air de vouloir croasser mot. Est-ce pour l’éprouver qu’il se tait ? Faut-il qu’elle le croit sur parole (si on peut dire s’il reste silencieux…) ? Une fois qu’il saura qu’elle a confiance, va-t-il s’envoler et elle n’aura plus qu’à le suivre, fidèle comme une ombre jusqu’à destination ?
À ce moment, un effluve de fromage s’échappe du paquet embecqué par l’oiseau et monte vers l’étoile, qui tord son nez de carton. Non, ça n’est pas possible ! Ce piaf qui a juste l’air d’un corbeau perché sur les basses branches de son arbre n’est rien de plus qu’un corbeau perché !
Et voilà justement que le vent apporte soudain une bouffée mêlée de myrrhe, d’encens et d’aromate jusqu’à l’étoile, qui ne s’y trompe pas : les rois mages ! c’est bien le diable si ceux-là ne vont pas là où elle doit aller !
Zou, elle file !
Le corbeau regarde filer l’étoile filante. Puis, poussant sur ses larges ailes noires, il s’envole et gagne la plus haute branche de l’arbre.
* * *
à suivre (mardi)
Conte écrit pour l’atelier sous les feuilles. Illustration : La neige, Education nouvelle populaire n°10, page 17.
Les étoiles ont des branches, les rois des images et le corbeau l’amour du noir : le tableau s’estompe dans le filage du ciel…
C’est, sinon le grand soir, du moins la grande nuit ! L’étoile s’extirpe de son carrefour, les rois mages passent dans les lointains et le corbeau reprend son souffle et retrouve sa branche… et il n’est même pas encore minuit 🙂
elle file vers le Paradis Blanc ? où est le piano ?
Après l’étoile, le piano du Berger ?
🙂
on est raccords 😉
j’ai quand même fait une petite recherche internet pour vérifier mon « intuition » 🙂
Le corbeau dépité de son départ soudain se pose à sa place, histoire de se lover dans le souvenir de son parfum, ou d’attendre son retour après sa prestation lumineuse pour les Rois mages, ce qui lui permettra d’entamer enfin la conversation…
Mais a-t-il tant que ça à lui raconter,à cette étoile, maintenant qu’il a retrouvé sa place 🙂 ?
on le saura (peut-être) dans le prochain épisode…
en attendant, l’étoile file vers son joyeux Noël !
Apollinaire n’a qu’à bien se tenir !!!
ça !! gare à lui !! mais je pense qu’il se tient bien, et mieux que l’étoile sur sa branche
🙂
L’étoile est tombée des nues en entendant le chant du corbeau, on la comprend, mais du coup je ne suis pas si sûre qu’elle soit en carton…et le renard? Parti siffler là-haut sur la colline?
le renard ? Sans vouloir contredire Italo Calvino, cette fois le renard vient en dernier 🙂
Cher Carnet, de très belles fêtes à vous et 2018 histoires loquaces et cocasses ;o)
Merci !! 2018 histoires ? ça en fait plusieurs par jour, ça !
bonnes fêtes à vous aussi 🙂
en bruxellois je répondrais: vous pouvez là contre çà veut dire que vous en êtes tout à fait capable ;o)
j’aimerai bien mais Loe Loerik est mon second nom 🙂
Oh, quel conte ravissant! Et la fin est surprenante, tu as très bien amené la chute sans prévenir.
Bonne fête de fin d’année à toi,
Mo
Merci Mo ; attention, le conte (comme l’année) n’est pas terminé… l’étoile partie, il reste encore au moins un épisode à venir
bonnes fêtes !
Oui, mais c’est que cet épisode pouvait constituer une petite nouvelle à lui tout seul.
Tu trouves ? alors tu as raison ! ce qui est drôle, c’est que c’est un épisode imprévu, que j’ai rajouté après les remarques de Jobougon et de Frog… pour une fois qu’il y avait une étoile dans le décor, autant lui donner un peu d’espace !
Du ramage aux rois mages il n’y a qu’un plumeau …
et des rois mages au fromage (de brebis)… une seule bergerie !
Aussi, bien entendu. Et de la bergerie à l’égorgerie, l’épaisseur d’une lame.
c’est pas faux !
pour cette étape, attendons Pâques
(enfin, se sont surtout les agneaux qui vont attendre… 😦
moi, je suis végétarien
Perso je reste du bon côté de la lame, celui qui accompagne la fourchette. Pas courir trop vite à cloche-pieds …
Bah de l’agneau en chocolat, ça peut donner le change !
Ai vu un message passer sur ma page, mais il a disparu, ou je délire en cette fin 2017 … ai pourtant été très sage 😉 ?
[…] Délis du blog Palette d’expressions Un radeau pour la lune Sur la plus haute branche, L’étoile égarée, Le renard vient en dernier par l’auteur du blog Carnets […]