Blanche de neige sous le ciel noir, la plaine fait le dos rond sous la lourde poigne de l’hiver. Rien ne bouge, pas un bruit. Pas un bruit ? Mais alors qui fredonne ?
Écoutez plutôt :
« Sur la plus haute branche, un rossignol chantait… »
Ça n’est quand même pas le vent. Et puis… rien ne bouge ? Mais alors, qui vole dans la nuit ? Toujours le vent ? Qui bouge et qui chante, autant le dire tout net, c’est le corbeau. Voletant et chantonnant, voilà qu’il s’approche d’un arbre et songe : « Hum, la chanson dit ce qu’elle veut, mais je suis sûr que ça n’est pas un rossignol qui est sur la plus haute branche. Voyons voir. Mais oui mais non. C’est une étoile.
Dorée.
Et muette.
« Alors soyons précis. Et il reprend : « Sur la plus haute branche, une étoile dorée… »
Pour ce que ça change : de toutes façons, rossignol ou étoile, la bonne place en haut de l’arbre est prise. Alors le piaf vole en zigzague vers les plus basses branches ; slalomant entre les grosses boules brillantes, évitant le piège mouvant des guirlandes clignotantes, il se pose enfin en hésitant au milieu des aiguilles. Une fois bien d’aplomb, il sifflote pour lui-même, bec clos :
« Chante, étoile, chante, toi qui a le cœur gai »
Là, le corbeau s’arrête : si l’étoile est muette comment peut-elle chanter ? Alors il décide qu’elle chante dans sa tête, comme lui ; sauf qu’elle n’a pas un fromage dans le bec, bien sûr – a-t-elle seulement un bec ? Voilà qu’il s’inquiète un peu de cette ribambelle de questions qui lui traverse le ciboulot. A lui faire perdre le fil de sa chanson. D’accord, prendre une étoile pour un rossignol, même un instant, même si ça n’est pas bien grave, ça n’est pas très sérieux… Bon, en même temps, voilà l’année presque bouclée, c’est le temps des fêtes, on peut bien s’amuser un peu ! Et puis la Claire fontaine, ça change un peu des chants de Noël. Chante, beau merle !
« Tu as le cœur à rire, moi je l’ai à pleurer. »
Ça n’est pas vrai. Pas vrai du tout. D’abord le corbeau n’est pas un merle, bien sûr. Mais bon, on ne peut pas dire « chante, beau corbeau » sans pouffer – Bocorbo, vraiment ? pourquoi pas corbobo tant qu’on y est ? Et d’une.
Et puis l’oiseau ne sait pas si l’étoile à le cœur à rire comme le rossignol de la chanson : comment un corbeau – même un beau – pourrait-il savoir ce que ressent une étoile ?
* * *
à suivre (dimanche)
Conte écrit pour l’atelier sous les feuilles. Illustration : La neige, Education nouvelle populaire n°10, page 17.
Il a au moins le mérite de s’en préoccuper, rien que pour ça on pourrait dire que si, il est beau, le corbeau mais c’est dans une autre chanson qui ne parle pas de fontaine mais de lavabo et c’est bien moins poétique:)
Oui, il s’en préoccupe. Mais elle, l’étoile, à quoi songe t-elle ? au corbeau ? ça serait bien le moins. Et puis, ils ne sont que tous les deux…(à part l’arbre, bien sûr)
Un corbeau chanteur (même dans sa tête)? Lassé de croasser, le volatile?
Faut croâre 🙂
va nous faire un avc s’il continue le corbobo, oups je veux dire le bocorbo ! faudrait pas qu’il nous tombe amoureux de l’étoile, y a déjà le ver de terre qu’est sur le coup ! c’est compliqué les périodes de fêtes !!! ❤ ❤ ❤
Mais est-ce qu’il – le corbeau- est là pour elle -l’étoile- ?
‘est à toi de nous le dire 🙂
si je l’apprends, je le dirais.
pas question que j’invente des histoires !
🙂
non, bien sûr ! je compte sur toi 🙂
Et si le corbeau élugubrait tout bobonnement une question à l’étoile pour en savoir un peu plus sur ce qu’elle ressent, et même encore, si l’étoile chutait de la plus haute branche jusqu’à celle où se tient le corbeau, que lui dirait-elle, avec ou sans bec ?
Peut-être lui demanderait-elle ce qu’il noctembule en ces heures tardives, ou même encore ce qu’il bectembule à rossignoler ainsi en pleine nuit. Elle a sûrement des oreilles fines tant elle est habituée à capter les sons des grands espaces infinis…
Les périodes de fêtes, comme le dit si bien gibulène, ne sont pas toujours simples, qui sait si le renard ne va pas arriver, sans se presser, histoire de mettre un peu de roux sur le sapin en jouant à renard perché.
C’est drôlement chouette ce conte à guirlandes qui met des papillotes plein les yeux, quelle délicieuse idée.
oui, mais comment élugubrer une question quand on a comme le corbeau un fromage dans le bec ?
le renard viendra-t-il ?on s’y attend, mais lui, et son libre-arbitre ?
🙂
Ah, encore un joli conte, bien troussé, plein de promesses ! Peut-être qu’au lieu du renard, arriveront cette fois quelques brebis et bergers. 🙂
Merci Frog ; c’est vrai que la saison et le moment de l’année est propice aux brebis et aux bergers… on en saura plus demain !
« Tu as le cœur à rire
Moi je l’ai à pleurer
Il y a longtemps que je t’aime
Jamais je ne t’oublierai.. »
Un corbeau amoureux d’une étoile, il n’en faut pas plus pour illuminer une nuit d’hiver.
Merci Marie-Christine
Mais le corbeau est-il là pour l’étoile ?
Et l’étoile, pour le corbeau ?
🙂
Les rencontres importantes se produisent toujours…
Le corbeau affable et l’étoile en étole : ils étaient faits pour se rencontrer et se mirer dans la fontaine.
Merci Dominique ; c’est vrai que la fontaine gelée doit faire un joli miroir à corbeau – et à étoile !
[…] voir courir le ciel par Laurence Délis du blog Palette d’expressions Un radeau pour la lune Sur la plus haute branche, L’étoile égarée, Le renard vient en dernier par l’auteur du blog Carnets […]