Les prés les champs les étangs

Oh ! Les prés les champs les étangs
courent, courent à perdre haleine.
Les buissons les arbres l’herbe du talus
filent vers là où je ne vais pas.

Ah ! Les petites autos sur les routes,
châteaux d’eau, clochers, collines,
et les tracteurs dans les champs,
courent de chaque côté du train.

Là ! Même la pluie, et la nuit les lumières,
s’exodent inexorablement
comme là-haut les étoiles, la lune,
filent là où je ne vais pas.

C’est à peine si les gares s’arrêtent
rien qu’un instant le long du train.
Suffit d’un sifflet à roulette
Illico la course reprend !

Lors les maisons les bosquets
les prés, les forêts, les monts
villes et villages gyrovagues
filent là où je ne vais pas.

Croyez-vous qu’un billet retour
me rendrait les monts les étangs,
les vaches, l’ombre et les moutons
éparpillés à travers champs ?

Non, fontaines, garenne et lapins
sont parés au rebrousse-chemin !
comme là-haut feront les nuages
qui filent là où je ne suis pas.

***

Un petit poème gyrovague pour marquer la fin de l’hibernation et le retour des transhumances.

Illustration : Theilley, inauguration de la ligne électrique Paris-Vierzon, le 22 décembre 1926, Agenre Rol, BnF/Gallica

38 commentaires

  1. Gyrovague, que c’est un joli mot, tellement plus adapté que SDF, ou péripatéticien. ;o)

    Même si ce dernier a plus de chien, à mon goût.


  2. Ah ! Les nuits, les matins et les jours
    à passer des quais à l’envers
    On s’rait pas surpris qu’un beau soir
    le train soit devenu rivière

  3. C’est rigolo de voir la nature et tout ce qu’elle contient courir en direction d’on ne sait trop quoi au final, pendant que le voyageur, lui, tranquillement les regarde, assis dans son compartiment… 🙃 Les trains sont des spectateurs assidus des déplacements du monde. 😃

  4. J’ai directement pensé à Yves Montand sur ce magnifique poème de Prévert « en sortant de l’école ». Bravo Jérôme et vive la fin de l’hibernation. Il était temps: juin débute déjà!
    Bonne fin de journée.

    • « En sortant de l’école », je l’avais oublié, mais oui j’ai entendu Montand chanter Prévert, il y a longtemps (en 45 tours, pas en concert)… j’ai du le garder dans un coin de la tête.

  5. De retour agréablement à la lecture de tes écrits après une longue éclipse, à moitié imposée par les circonstances, à moitié paresseuse, je suis très heureux d’y replonger avec ce poème dont la rythmique m’évoque le regard qui s’égare lorsqu’un train fend la campagne

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