Jour après jour, à longues rayures, la lumière repousse l’ombre autour du monde. En retour, à son heure, l’ombre s’allonge, grignote les collines, dévore les arbres et les gens.
Croyez-pas que ça lui plaise tant que ça, chaque jour dévorer, avaler tout cru le monde, les maisons et les bêtes. Elle aimerait mieux choisir ses plats et son moment, éviter le dur, l’amer et l’écoeurant, voir frissonner dans l’huile les lamelles d’oignon, sentir monter l’arôme du curry et goûter le ragoût qui mijote ? Sûr, une tasse de thé lui plairait aussi. Mais qu’elle se penche sur un livre de recette, qu’elle s’approche de l’épluche-légumes, des pots d’épices, de la coriandre, des carottes, de la cocotte ou de la sauteuse, aussitôt tout cela plonge dans son ombre et disparait. Allumer ne serait-ce qu’une bougie pour y voir clair ? C’est elle qui est écartée aussitôt.
Etonnez-vous alors que, de faim et de dépit, jour après jour, l’ombre mange le monde, avale la ville, dévore les forêts et les champs.
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Pour l’agenda ironique de novembre, je proposais qu’on parle d’ombre. Et puis j’ai couplé avec une proposition de Pandora Black : une flash fiction (1000 signes max) ; ce dimanche, thème « nourriture ».
Illustration (qui n’a presque rien à voir) : Blanc et noir, scènes amusantes, Benjamin Rabier, Gallica/BnF
couple réussi 🙂
Sombre vie que la vie d’ombre
Sûr !
elle craint la lumière…
Midas transformait tout ce qu’il touchait en or mais cette ombre transforme tout ce qu’elle approche en obscurité, pauvre ombre!
Au moins, elle peut ne craint pas les coups de soleil, sort appréciable comparé à celui du bon roi Midas…
Attention à « la vitesse de l’ombre » (Jean-Marc Levy-Leblond) qui peut dépasser celle de la lumière.
L’ombre serait plus rapide que la lumière ? pourtant, elle nait de la lumière… et bêtement, je leur aurai attribué une vitesse équivalente.
Je pense qu’il va falloir que je lise Levy-Leblond.
Mais qui pourra éclairer cette ombre ?
Surtout ne jamais éclairer une ombre, elle disparaitrait ! 🙂
L’ombre en décembre plus gourmande…
Ombre de dinde aux marrons, ombre de buche sciée par des ombres de nains… 🙂
🤣
Conte doux-amer de l’ombre, encore une histoire de contradiction existentielle, avec l’élégance de la légèreté! J’aime beaucoup, Carnets.
Merci Frog ; tu as le chic pour voir plus loin que moi dans mes petites histoires 🙂
L’ombre dévore ce que la lumière lui laisse… et c’est très agréable à lire ! Merci cher Dodo !
Merci chère Dominique !
L’ombre est à plaindre… Quelle belle idée pour ce texte très singulier.
Merci Marina ; même l’ombre ne fait pas ce qu’elle veut !
Une belle inspiration pas du tout ombrageuse…pour une pauvre ombre…
merci Photonanie 🙂
Dès lors qu’il s’agit de cuisine, et son cortège de recettes en bonne gourmande je savoure, même s’il s’agit d’ombre.
Au moins l’ombre n’est pas calorique ! ( une autre gourmande).
faut voir si une ombre peut être grasse 🙂
Merci Mijo !
L’ombre cuite au soleil (beau texte appétissant), et même Icare n’avait pas songé à se munir d’une ombrelle… 🙂
C’est vrai qu’une ombrelle parachute aurait pu lui servir doublement 🙂
tiens, voila qui me parle, puisqu’il y a cinq jours j’écrivais « marcher sur son ombre »
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Quand tu prends de l’avance,
sur le fil du soir…
que dit ton ombre quand tu marches dessus ?
Va-t-elle te peindre en noir,
effacer tes traits de lumière
comme par inadvertance,
te laisser seul derrière,
histoire d’un malentendu
où ton vertige de façade
part en capilotade,
faire un tour
vers d’autres contre-jours ?
RC
Bienvenue, Rechab ; nos ombres marchent en écho.