Son calendrier de l’avent, le roi crapaud vient de le retrouver : sous les feuilles mortes entassées au creux de la souche. Là où il l’avait rangé, il y a un bon mois. Pour ne pas l’accrocher trop tôt et ne pas ouvrir trop vite les petites lucarnes, toutes les cases dévoilées longtemps avant l’heure.
Il est désappointé, le roi crapaud. Pas d’avoir manqué les friandises et les petits chocolats quotidiens, non. C’est qu’il s’était fait une joie, contre le lent passage des jours qui raccourcissent et s’obscurcissent, de chaque jour ouvrir un petit volet en carton, et d’apercevoir une nouvelle image : un matin un soleil orange, un autre une étoile suivie d’une pluie d’étincelles, le suivant une roue de feu avec jante, moyeu et rayons de flamme, ou un grand conifère enguirlandé de boules si colorées qu’elles semblent tintinnabulantes, et puis un corbeau tout noir sur une branche, encore un autre jour une bête rouge et maline – pauvre renard, pauvre piaf condamnés à toujours débattre d’orgueil et de pitance – et peut-être à tour de rôle les bonnes grosses bêtes de la Crèche – où jamais on n’a vu un crapaud, même roi, même saint – ; bref tous ces rébus journaliers qui devaient lui faire écarquiller tout grand les yeux, d’autant plus captivants et mystérieux qu’il ne les verra pas parce que, distrait par les bulles toutes semblables des jours qui passent, il a oublié le calendrier de l’avent sous les feuilles.
Dehors, sous la nuit qui a mangé le ciel, la neige craque doucement. La souche doit briller sous le givre. Cela, il l’imagine : il ne sortira pas vérifier. Que faire maintenant ? Compter sur ses doigts pour retrouver la case du jour ? Où bien, allant à rebours, ouvrir les petites cases dépassées ? Peine perdue, il le sait bien. Après l’avent, presque à Noël, qu’attendre des imagettes naïves ? Alors que faire ? Rien, c’est le plus sage. Le roi crapaud se rencogne paisiblement sous les feuilles, s’engourdit dans sa propre tiédeur, et, rasséréné, rêve d’atteindre le printemps.
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En retard, pour l’agenda ironique de décembre ; fallait de l’espoir, et les mots tintinnabuler, orange, étincelles, écarquiller, introït, jeûne [j’ai pas gardé ces deux là], moyeu, rayon, centre, saint, étoile et conifère. Les autres textes sont sur le blog chamanique de Patrick où tout est bien récapitulé.
Illustration : Charles Houdard, Diner des amis de l’art japonais, 22 mars 1912 ; Gallica/BnF.
Comme moi, recroquevillée sous les feuilles j’attends le printemps et ses giboulées et l’arc en ciel qui vaut bien les guirlandes. Allez j’y r’tourne !
‘Xactement ! quoi que je vais pas dire du mal de Noël, j’ai pas encore eu mes cadeaux 🙂
Ha ha ! 😉
Bon jour Carnetsparesseux,
Je pensais que le Roi Crapaud avait une cour pour le distraire jusqu’au printemps prochain… 🙂
Bonne soirée.
Max-Louis
bonjour Max-Louis,
hé non, le roi crapaud ne s’entoure que de feuilles mortes, ce qui m’arrange bien : ça fait moins de personnages à décrire )
C’est que j’attendrais volontiers le printemps prochain pour me réveiller tout à fait moi aussi…mais plutôt que sous les feuilles, je choisis le coin du feu 😉
Merci pour la poésie qui émane du crapaud (ce qui n’est pas son naturel habituel il faut bien le dire…)
oui, un coin de feu vaut bien un tas de feuilles pour attendre le printemps ; j’aime bien les cause mal parie, alors j’essaie de réhabiliter le crapaud en poésie.
Un peu à la bourre je découvre le dit du roi Crapaud, un bien beau dit que j’ai rajouté à la liste ici https://peinturechamanique.blog/2021/12/17/agenda-ironique-de-decembre-rappel-et-liste/ Merci pour cette participation de dernière minute 😉
C’est le crapaud qui est à la bourre ; il a passé trop de temps à se demander où était le calendrier 🙂
Oui faut dire aussi , suis novice ou résistant à tout emploi du temps 😉
Voilà qui rend joliment justice à ce pauvre crapaud paré de tous les vices des sorcières. Alors qu’il n’est que sagesse et patience. 🙂
Merci Lazuli ! sagesse et patience, le crapaud, mais aussi désireux de petites images colorées 🙂
🙂
Laissons dormir le roi Crapaud, c’est ce qu’il a de mieux à faire pas ces frimas. Il pourra recycler son calendrier aux prochains beaux jours. Compte à rebours pour son anniversaire, sa fête, les grandes vacances…
Merci John ! recycler le calendrier, oui, sauf les petits chocolats qui seront périmés au printemps 😦
🙂
c’est un vieux sage ton crapaud, il a trouvé sa solution….. par contre il lui faudra s’organiser mieux l’an prochain ! son cousin ici ne s’est pas mis sous les feuilles mais s’est glissé à l’abri du regard d’arrivée d’eau… je le laisse dormir. Le printemps reviendra comme dit SOlène, il revient toujours…….. Belles fêtes et merci pour ce récit plein de poésie
Ah oui, la plaque dans le regard d’eau, c’est un vieux classique : confort, tranquillité et eau courante… que demander de mieux 🙂
Le calendrier de l’après est sans doute plus intéressant ! Le crapaud tard se réveille mais il faut ouvrir les fenêtres, aérer et ne pas oublier les gestes barrières : il ne peut rester vert de peur plus longtemps ! 🙂
après le pangolin et la chauve souris, le crapaud ? on les accuse de tous nos vices, ces bestioles ! manquerait plus qu’un bouc émissaire 🙂
Peut-être aurait-il mieux pensé à son calendrier si les cases avaient reçu des vermisseaux et des mouches au lieu de chocolats?
sans doute, mais il y a la question de la cruauté envers les bestiole (le blog carnetsparesseux a des normes très strictes) et aussi des dates de péremption !! 🙂
Ah le joli texte! J’aime comme les vignettes prennent vie dans le regard du crapaud. J’ai toujours aimé leurs gros yeux dorés. Merci Carnets !
Merci, Mo ! et pourtant, il ne les voit pas, il les imagine..
la farandole d’images, c’est le passage qui m’a le plus amusé à écrire !
Oui, j’ai deviné cela. Mais moi c’est Frog. 😂
moralité : la reinette a une vue plus aiguisée que le crapaud placide 🙂
😂
Le beau crapaud placide va donc se dérêver pour que la chouette reinette puisse l’envisager (en prince très charmant à l’avent désarmant).
🙂
Quelle belle histoire à nouveau , j’apprécie beaucoup ta tendresse pour toutes les bestioles …
😊
Merci Juliette 🙂
Un très joli texte qui, contrairement au crapaud, ne rend pas les lecteurs désappointés. Belles fêtes à toi, Sabrina.
Merci Sabrina ! et belles fêtes à toi aussi, avec ou sans crapaud dans la crèche 🙂
Très joli texte, c’est brillant, et même scintillant.
Tu connais la fable de Gotlib de la princesse rencontrant un crapaud qui lui demande un baiser ? Rêvant du prince charmant, elle s’empresse de l’embrasser, et pof ! elle se transforme illico en grenouille !
Merci Jean-Louis ; je l’avais oublié, cette fable de Gotlib, mais elle a du m’influencer en cachette :
https://carnetsparesseux.wordpress.com/2014/05/23/le-reveil/
🙂
Effectivement, je crois que Gotlib t’a plagié par anticipation (comme ils disent à l’OuLiPo).
Beau, le calendrier.
Et beau le crapaud tendre, blotti sous les feuilles.
Et beaux aussi tes mots. Et leur musique.
…
Un souffle de tendresse
en retour vers toi, Carnets.