Un arbre.
Là, juste devant moi.
je le regarde.
Je suis là pour ça.
Sorti contempler la nature,
source éternelle d’inspiration.
Parait-il.
Je regarde encore.
Dessus l’arbre, deux corbeaux.
« Deux corbeaux ?
Sur un arbre ? »
Es-ce que j’ai la berlue ?
Je regarde mieux et c’est bien ce que je vois : Deux corbeaux. Sur un arbre. Perchés.
Non, je n’ai pas la berlue
– quoi que puisse être la berlue –
mais j’ai beau regarder encore et encore,
vous vous en doutez,
pas le moindre renard ni bien sûr, aucun fromage.
Zut alors !
Aussi, ce serait trop facile, ça ferait trop fable.
Pourtant, je vois vraiment devant moi cet arbre et ses corbeaux.
Alors quoi ?
Est-ce qu’un des deux corbeaux serait en réalité le renard ?
Masqué, grimé pour tromper son compère, et perché à côté de lui pour mieux l’entourlouper ?
Peut-être.
Mais alors qui ferait le fromage ?
Non, le vrai, c’est qu’il y a des jours où la réalité refuse de donner sa part à la fiction.
Pas partageuse, c’est là son moindre défaut, surtout avec sa voisine. Qu’est-ce qu’elle faisait au temps chaud, celle-là ? Elle rêvait ? Encore ?
Évidemment, faudrait – la réalité – la brosser dans le sens du poil, la flatter avec des mots qui la rendent importante, unique.
Alors elle ferait peut-être un effort et de ce fatras de petits faits aussi vrais qu’inintéressants, une morale apparaitrait, une fable se dessinerait.
Mais là, rien.
Juste deux piafs noirs sur un arbre.
Rien de plus, rien de moins.
Pas de renard, pas de fromage.
Pas un début de phrase flatteuse.
Pas de fable, pas de morale.
A ce compte, je ferais aussi bien de laisser tomber l’hypothétique inspiration née de la contemplation de la nature
et de rentrer écrire la suite du feuilleton qui sommeille depuis deux semaines.
Et voilà que l’un après l’autre, les deux corbeaux s’envolent.
Reste l’arbre.
Et, au pied de l’arbre, moi, le bec large ouvert, qui reste coi.
***
Illustration : Georges Meunier, le bec Kern BnF/Gallica
Ben oui, ça va cinq minutes la grand messe à la nature
mais quid de la littérature ?
Elle (la littérature) est quand même vachement plus réaliste, vraie et attrayante.
oui, mais la nature est toujours là, elle.
même ennuyeuse.
quoi que la littérature peut aussi être ennuyeuse.
Tu aurais dû attendre encore un peu, le renard et le fromage ont peut-être pris du retard sur une ligne surchargée du RER ou bien l’ascenseur est tombé en panne, mais si c’est pour reprendre le feuilleton alors tu as bien fait 🙂
tu as raison, c’est compliqué ! en même temps (comme dit l’Hautre) est-ce que c’est la faute du renard si l’auteur sait pas quoi dire ?
et oui, le feuilleton reprendra mercredi prochain !
Pas de parapluie non plus…
🙂
Pas encore de parapluie… pourtant, ils seraient de saison !!
J’adore cette anti-fable, écrite en creux, sur une absence d’évènements dont nous ne tirerons aucun enseignement.
Quant à la berlue, cela ferait un joli nom pour un oiseau ou pour un fromage.
Oh, une berlue s’envole derrière l’étang ! tu as raison, on dirait un vrai nom d’oiseau ! 🙂
Mais pour ma défense, en vrai, j’ai vraiment vu un arbre avec deux corbeaux. Et en vrai, je me suis dit « et si je racontais ça ? » et je n’ai rien trouvé à raconter.
Peut-être que l’arbre était un fromager…
Bonne journée, carnets Paresseux !
Evidemment, dans ce cas, il n’y a plus que le renard à dégotter ! ça change la donne… faudrait que j’y retourne ! merci toulopéra !
Pour le renard, je peux te suggérer le Petit Prince, je crois qu’il a ça dans ses relations !
Sinon, j’ai prévu de participer à l’agenda ironique de juin, puisque je publierai un billet sur l’été.
J’ai déjà le début : « La nuit, les bruits sont en fête » et la fin « Finalement, j’ai rencontré une brouette, et j’ai pensé qu’elle me prêterait une oreille attentive ».
Il ne me reste plus qu’à écrire le milieu.
Tu restes coi ? quoi que… Un couac ! et le fromage fut tombé. Peut-être le renard, était-ce toi ? Rusé !
Ah, tu crois qu’en vrai le renard flatte le lecteur en faisant semblant de parler au corbeau ? Théorie intéressante…qui ferait de La Fontaine un mangeur de fromage 🙂
Quoi ! toi qui restes coi ??? C’est quoi, ça ! 😉
quoi coi ? c’est plus une fable, c’est un choeur de grenouille dans la mare 🙂
Brillante anti-fable, en effet, qui démystifie joyeusement l’angoisse de la page blanche.
Merci Lazuli ; je pense que la page blanche angoisse à l’idée de ce qu’on va lui écrire sur le dos 🙂
Eh, eh…
2-2=0 (0 comme un grand bec ouvert)
Le résultat est nul…
mais le texte ne l’est vraiment pas !
Une petite morale ?
« Quand corbeaux viennent sans fromage,
Plus de renard dans les parages »
Deux corbeaux? alors deux renards et deux fromages. Peut-etre un autre jour.
Et si tu allais acheter un fromage à l’épicerie du coin, ça ne suffirait pas à compléter la fable ?
Mais Carnet… La réalité ne peut pas TOUJOURS dépasser la fiction… 😉
Beaucoup de Brie pour rien en quelque sorte!
malin
Psst….
J’ai vu Goupil,
c’est le printemps,
les freux peuvent vaquer tranquilles
Hermeline s’occupe de lui.
tu as surement eu la berlu sconi ( tu as louché pour voir 2 corbeaux)
sans vouloir faire de politique …
Vous avez sacrément élagué pendant mon absence ! (Le blog, pas l’arbre !)
Bon jour Carnetsparesseurx,
C’est cela aussi la magie de l’écriture et ainsi de l’exploration d’une branche à une autre à poser la plume encrée noire corbeau pour ce texte entre la jonction du réel et l’imaginaire est un acte audacieux qui porte son fruit, la chute, mine de rien : »Et, au pied de l’arbre, moi, le bec large ouvert, qui reste coi. »
Max-Louis
J’espère que tu n’es pas « honteux zet confus », en prime ! 😉
Parce que ce serait injuste de payer pour l’absence d’un renard inconséquent…
Excellente, cette non-fable.
J’ai adoré
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