« J’ai faim, et il est grand temps de manger », reprend le loup en baillant. Effrayée, la fillette recule, et reculant, butte sur la luge et tombe en travers d’un gros sac qu’elle n’avait pas encore vu.
– Mais qu’est-ce que c’est que ce sac, Loup ?
Le loup se tait. La gamine attrape le haut du sac, le soupèse.
– Dis, il est lourd. On peut savoir ce qu’il y a dedans ?
Le loup garde le silence. Entrouvrant le sac, elle jette un oeil : un paquet ? Du bolduc ?
Alors, fronçant les sourcils et prenant son ton le plus sévère :
– On dirait que tu triches, Loup ! Tu n’as même pas distribué tous les cadeaux et tu as le toupet de vouloir me manger !
Alors, le loup passe sa longue langue rouge sur ses dents aiguës, esquisse un demi-sourire, et dit :
– Tout doux, fillette, tu as raison et tu as tort. C’est vrai, je n’ai pas tout à fait fini ma distribution ; un peu de patience. Tiens, au fait, ta Mère-Grand a insisté pour que je te donne ça ; oui, j’ai un peu mordu dedans, mais je t’en ai laissé ! »
Et de lui tendre un petit panier avec un pot de beurre et des miettes de galette.
« Mais parlons plutôt d’un vrai repas ! »
La fillette tremblotante bafouille quelque mots. « Quoi ? Moi, te manger ? répond le loup. Où as-tu été chercher une idée pareille ? »
Voilà qu’il attrape le sac et en sort une demi-dinde avec presque tous ses marrons, une part de bûche, un grand pot de soupe bien fermé et une large tarte aux myrtilles.
« Grâce à toi, je suis entré dans pas mal de maisons ce soir, alors j’en ai profité pour visiter les garde-manger. Tu sais que j’ai un faible pour la nourriture. Ne me regarde pas comme ça, je n’ai rien volé, ce sont les restes de leurs réveillons. Bon, toi aussi tu dois avoir faim. Alors, pas de chichi, on va casser une petite croûte et puis après, je te raccompagne chez toi, d’accord ? »
La gamine, éberluée, reste coite.
« Allons, je ne vais pas manger tout seul, alors si tu n’aimes pas la dinde, attrape cette tarte et fais-moi le plaisir d’au moins planter une ou deux dents dedans ! »
Deux dents dedans ? songe la gamine en soulevant son capuchon rouge avant de mordre dans la tarte aux myrtilles, qui en retour lui dessine à travers joues un grand sourire mauve.
Le loup, entre deux bouchées, ajoute :
« Voilà ! Et puis tu ouvriras ce paquet. Il n’y a pas de raison que tu sois la seule à ne pas avoir de cadeau. Joyeux Noël ! »
***
ainsi s’achève le 11e et dernier épisode du feuilleton de Noël ! Rappelons qu’il commençait ici
Illustration : New York public library, digital collections.
Belle faim !
Le loup avait un sac à Alice, le partage s’est fait (« Libération » ce matin titre « Le Libé des animaux »), le sang a été remplacé par la myrtille, et l’auteur de ce joli conte de Noël peut aller boire quelques verres de champagne à la santé de ses deux héros… si humains ! 🙂
Merci Dominique !
Paix (et champagne aux myrtilles) pour toutes les bêtes de bonnes volonté !
Super faim et fin !!!
Bravissimo lupo et mes félicitations pour ce beau conte ❣❣❣
Merci Juliette (il fallait bien finir sur la fin de la faim du loup 🙂
et bien voilà , j’ai terminé ton joli conte …et du coup j’ai faim 😊
Superbe
Tout est bien qui finit bien et ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants !
Joyeux noël à vous et merci pour cette prouesse !
Merci Marie-Christine !
voilà, j’ai achevé ma potion d’avent, juste à temps 🙂
Elle était très savoureuse, on en redemande !
Merci Marie-Christine ; ça recommencera peut-être l’an prochain, qui sait ?
et oups, je voulais dire « portion », mais potion va bien aussi 🙂
Deux dents dedans, mais oui, mais oui !
Merci pour ce joli conte revisité, ça été un vrai plaisir. Et joyeux Noël à l’auteur qui, cette fois, n’a pas fait son paresseux 🙂
Merci !!
en fait, j’ai tellement suivi la pente paresseuse que je n’ai pas essayé de faire court 🙂
Je m’attendais cette faim, pardon, cette fin ! Je savais bien que Loup était un gentil…
tu avais raison, je n’imaginais aucune autre fin possible 🙂
Joyeux Noël à toi, cher Dodo
Je lirai ton conte in-extenso aux enfants qui viennent pour les fêtes.
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ღ˛°* ღ ღ Un bisou céleste pour toi
Merci Célestine ! tu reviendras me dire s’ils ont eu peur du loup 🙂
Les pouvoirs du loup sont surestimés. J’ai toujours eu une grande sympathie pour ces bêtes, d’autant plus que mon nom « Gangloff » veut dire « qui marche avec les loups ». Je suis donc heureuse que vous ayez vous-même une autre faim.
Merci ! de fait, aucun loup n’a jamais été « vraiment » enquiquiné dans ce blog (un peu taquiné, au pire)
Une fin savoureuse et qui met en appétit ! Joyeux réveillon !
Merci Marie-Anne ! désormais, en plus du verre de lait du Père Noël, il faudra laisser une part de bûche pour le loup 🙂
Oui, pour Noël on peut bien partager un peu (à condition que ça reste raisonnable …)
avec le père Noël je ne sais pas, mais avec un loup, il est toujours préférable de partager 🙂 🙂
Eh oui 🙂 On y trouve son intérêt …
Mais c’est adorable! et racontable aux enfants… Et tellement dans l’esprit de Noël!
Je m’attendais à ce que la petite fille ne soit pas mangée mais je ne m’attendais certes pas à ce réveillon dans la neige…
Bon réveillon à toi
Mo
Merci Mo ! je suis touché que la fin te plaise et te surprenne !! comme il n’était pas possible de finir sur un carnage (le sang sur la neige, tout ça…), j’ai laissé le loup ruser pour manger avec la gamine sans manger la gamine !!!
bon réveillon à toi !!
Bon jour,
Une belle performance que la création de ce conte qui ne s’est pas laissé conter … En tout cas la morale de cette histoire est qu’il ne faut rester sur ses acquis, si ce n’est sur certaines croyances … le monde que nous vivons a plus d’un tour dans … son sac 🙂
Max-Louis
Merci Max-Louis ; la morale du conte, c’est (peut-être) qu’il faut chercher la morale tout au fond du sac 🙂
Ah ! Cela finit bien, Carnets.
Bon réveillon rétrospectif !
Hé oui, c’était même prévu depuis le début.Un conte de Noël qui finit mal, on en a assez d’exemples tous les jours !
Merci Aldor 🙂
Noël est passé mais il n’y a pas de trêves pour lire des contes de Noël et la fin du tien est comme une continuité de ce jour, tout en rondeur de saveur et de partage.
J’adore !
Merci Carnets pour ce conte joliment conté.
Merci Laurence ; c’est le joli des contes de Noël : ils peuvent être lus toute l’année 🙂
Une fin de gentil loup. Pour un conte de Noël, c’est mieux qu’une version saignante…
Merci Domi ; oui, pour tout un tas de raisons je me suis interdit la fin façon « blanche comme la neige, noire comme la nuit et rouge comme le sang qui coule sur la neige la nuit »
🙂
Il valait mieux.😊
ouf ! un happy end ! c’est mieux pour Noël quand même !!! heureusement que les deux dents n’étaient pas en or, elles auraient fini dehors !
jolies, les dents d’or 🙂
et oui,pour Noël, j’étais « obligé » de finir bien ; sans compter que je préfère toujours que ça finisse bien, même à Pâques ou à la Trinité 🙂
Un loup écolo et partageux
si nos loup d’en haut pouvaient le devenir.
Le conte est bon … celui là
si d’autres pouvaient l’être aussi.
Bonne année à toi