Voilà qu’un jour survint, tout frais. Alors Il souhaita avoir aussi tout ça : poissons dans un bassin, piafs dans l’air. Aussitôt, sortis du marigot tout vivant, qui flottant, qui rampant, qui gambadant, qui trottant, qui volant, voilà qu’il y avait autant d’animaux qu’Il l’avait voulu. Alors Il sanctifia son zoo, disant : multiplication sans accroc, conjugaison sans souci, pondaison illico, frai à gogo !
Voilà un jour. Son nom ? inconnu. Mais ça fait cinq.
Au jour qui suivit (un court instant, on a cru qu’Il radotait, disant son souhait : piaf, poisson… – voir au jour dit d’avant) Il fit tout un tas d’animaux, baignant à ras bord du bassin ou courant partout sur l’ilot. Alors, Il dit : « Ah, ça Nous plait ». Puis Il dit aussi : « Faisons un quidam (Mon quasi avatar), il distraira mon chagrin quand il faudra, puis finira patron du zoo ». Illico, suivant Son discours, copiant Son quant-à-Soi, Il forma dans du limon frais un gars à Sa façon, un garçon plutôt costaud, mais naïf. Puis Il lui adjoint un joli doublon vital. Puis Il oint tour à tour pantin, puis doublon. Il dit :
« Promis, pour vous, un plus un ça produira lardons ou marmots tous azimuts. Un maximum. Pour boulot, papa, maman, caïd, boss, adjudant du zoo. J’y crois ! Toi, l’humain, tu auras pour pain : ananas, choux, noix, gland, abricot, tous fruits nourrissants. »
Aux animaux, anchois, cabillaud, albatros, busard, lapin, bison, loup ou lion, coucou, pinçon, crapaud, Il donna grain, foin ou gazon pour tout frichti. Sans souci. Il vit son boulot accompli, fut satisfait. La nuit tomba, puis un jour vint. Allons bon, ça avait pris quoi tout ça ? Six jours, sans distraction. Tout bon, quasi parfait, tout ça !
Ainsi Il fit cosmos lointain, bon limon, sol costaud, plantation, animaux volant ou trottant, tutti quanti. Avant huit jours clos, Il trouva son boulot fini. Aussitôt Il s’assoupit dans Son divin hamac, distraction du grand fourbi accompli. Alors, Il dormit tout son saoul un jour durant, qu’Il oint pour Son travail.
à suivre
* * *
En hommage à James Ussher qui a assigné la date du 23 octobre -4004 à la naissance du monde, une transcription de la première semaine de la Genèse lipogrammée en e.
illustration : Les Heures de la Vierge Marie, 15e siècle. BnF/Gallica.
La semaine fut chargée : heureusement, les congés payés furent inscrits dans les Tables de la loi : Onzième commandement, « Tu seras grassement rétribué pour te tourner les pouces endoloris sans que ton patron puisse s’y opposer ». 🥴
J’ai bien peur que l’onzième commandement soit le commandement à payer 😦
Bravo pour ce lipogramme de haut vol ! rien que d’en parler, le e réapparaît 😀
Merci Gibu ! l’e est partout, planqué dans les recoins des mots (j’en ai encore laissé passé un dans le texte d’aujourd’hui, que les lecteurs ont repérés (ou ont vus) 🙂
mdrrrrrrrrr courage, tu l’auras un jour, tu l’auras ! la plus part d’entre nous nous sommes infoutus de réaliser cet exercice….
mais non, c’est pas si difficile, et puis ça fait bosser les formes verbales et les synonymes 🙂
si tu le dis !!! remarque on en a vu d’autres depuis qu’on écrit 😀
Pour vous, un travail accompli. Pour nous du plaisir. Bravo ! (mon premier lipogramme en e)
Joli ! reste à trouver une façon d’écrire le mot lipogramme sans la lettre e (lipomillikilog ?)
Très bien lipomillikilo. 🤣🤣🤣🤣
Hormis … ce que je tais poliment,
il y a un peu de t de petit qui manque à son somme de la dernière phrase.
C no T 🙂
Bravo Carnets, belle disparition du e pour ces premiers matins contés !
Merci Laurence ; faudra songer à faire revenir le E pour la suite, sinon l’Eternel et Eve vont être mals (sans compter le Serpent)…. y a qu’Adam et le Paradis qui s’en passent tout seuls)
🙂
Et ce pauvre petit e tout seul dans la grande mare évolutive. Reste à savoir s’il s’amusera longtemps.
Quoi qu’il en soit, moi je souris.
Faut le faire.
oui, on dirait bien que j’en ai encore laissé passer un en m’amusant 😦
et je souris aussi.
il est là, il est là !! tout naissant dans « il m’amusera »… c’est en tout cas bien chantant tout ça !
seule l’oeuvre de dieu est parfaite (dans le 1er épisode, j’avais laissé un « encor », pensant à virer l’e final mais oubliant l’initial) 🙂
je pense que même son œuvre ne l’est pas; lui seul le serait ??! sauf s’il est l’œuvre de lui-même… arf; encore un sErpEnt qui se mord la quEuE-lEu-lEu.
Magistral ! petit bémol : Et à la place de « il m’amusEra » « il ravira bibi » ?
Je sais je cherche la petite bête…
Bisous mon dodo
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Tu appelles « Bibi » l’Eternel ? 🙂
Moi, je n’oserais jamais, du coup j’ai essayé une variante.
Je suis une affreuse iconoclaste… 😉
Mais peut-être que l’Eternel se dit bibi en parlant de lui-même…
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Un Bibi rien qu’à Lui ? C’est noté
Bon jour,
A grands pas voilà qui posa, mais pas tout à trac, non non, la voix d’un mot puis suivants, ici il cogita fort pour nous offrir pour nous la part d’un bon choix! Bravo , bis, bis …
Max-Louis
Magistral ! je m’arrête après la Genèse, si quelqu’un veut reprendre l’affaire…à bon entendeur 🙂
Diantre ! je me suis permis quelques mots de commentaire pour saluer ce travail et la valeur …
De fait, je préfère rester à ma place comme simple lecteur 🙂
Pourtant, l’Evangile selon Max-Louis, ça vaudrait le détour, non ? (ou l’Apocalypse selon Iotop, je ne sais pas, moi)
Effectivement … je n’y avais pas pensé sous ces angles … à voir … peut-être … (je note) 🙂
J’adore ton style et ton humour. Et faire un texte aussi long sans « e », chapeau!
Merci Mo ; j’ai essayé (en vain ?) de rester le plus fidèle possible au texte original
🙂
quant à la longueur, plus que trois épisodes… je reste donc bien loin derrière Perec !
Non seulement c’est sans e mais c’est drôle et hautement spirituel : Bravo pour ces tours de force !
Merci 😉
Ma foi si la disparition du e est la condition de tant d’épatante vitalité, chantant et rebondissant, je crois que je vais tenter de tenter ! Bravo, je me suis régalée !
Que la Genèse induise la tentation, c’est un comble, non ? je pense que tu n’as pas besoin du lipogramme pour écrire très bien, mais oui, essaie, c’est un jeu très drôle ( et un peu omnubilant) 🙂
J’admire beaucoup le fait que, malgré la contrainte extraordinaire que tu t’imposes, un style surgit, en particulier dans les dialogues, savoureux.
En vrai, je me demande si ça n’est pas de la contrainte que nait le style : l’absence du e impose des mots, mais aussi un temps, des tournures de phrases, etc… 🙂
C’est juste, je n’avais pas vu les choses de cette manière. Comme si, en prenant la peine de l’écouter, on prendrait conscience que le langage contient, de manière larvée, toute la littérature.