Moi, le premier que j’ai vu, c’était l’autre jour : je regardais les arbres à l’orée d’un petit bois quand j’ai vu un petit tremblement de feuilles dans les branches. Quoi d’étonnant, je me dis, c’est le vent. Sauf qu’il n’y avait pas de vent. Alors des piafs ? Mais des piafs gris, sans plumes et avec une longue queue et un petit museau gris, chez moi on appelle ça des souris. Et de fait, en regardant mieux j’ai bien vu que c’était des souris. Ce qui n’était en rien étonnant, puisque, une fois demandé, on m’a dit que j’étais devant un arbre-à-souris. Un arbre-à-souris ? Voilà ce que j’en ai appris :
Pour les uns, les souris sont le fruit de l’arbre: elles naissent dans les bourgeons et s’entortillent dans les feuilles jusqu’à ne faire plus qu’une ; à l’automne, quand les feuilles-souris tombent de l’arbre, les souris les abandonnent et courent se cacher dans des trous de souris (justement). Et là, au printemps suivant, poussera un nouvel arbre-à-souris. Pour tout vous dire, c’est bien joli, mais ça ressemble à de la poésie, alors je n’y crois pas trop.
D’autres racontent qu’en fait, l’arbre-à-souris, c’est un arbre tout banal, avec des racines, un tronc, des branches, des feuilles, mais un arbre envahi par des souris qui naissent entre les racines, grandissent dans les nœuds et les veines du tronc, se faufilent le long des branches pour, finalement, se loger dans les feuilles, bien à l’abri dans les hautes branches. Et voilà tout.
Ce qu’on m’a dit d’autre ? Que le jour, les souris restent bien à l’abri dans leur feuilles, à profiter du grand air et du soleil. Au crépuscule, les feuilles-souris se détachent de l’arbre-souris et vont grignoter les grains et les graines des champs environnants. A l’aube, elles remontent dans l’arbre, grasses et repues, d’un vol lourd et décidé.
Ça n’a l’air de rien un vol de souris, mais on m’a mis en garde : gare au passant qui se risque sous un arbre-souris au crépuscule ou à l’aube : il peut se retrouver enfoui dans le sol sous le poids de la meute souricière, ou, emporté par l’envol des feuilles matinales, perché sur une haute branche ! On m’a raconté des histoires que je ne veux pas croire, de voyageurs qui ont ainsi été emportés à des lieues de leur destination !
On m’a dit aussi qu’il existe un talisman certain pour s’en protéger : c’est, le croiriez-vous, tout simplement d’avoir dans la poche un petit morceau de fromage qu’on lancera très loin sitôt qu’on aperçoit un vol de feuilles-souris.
On m’a enfin expliqué comment se débarrasser des arbres-souris. Même s’ils résistent, dit-on, au feu et à la hache, c’est très facile : il suffit de planter, à proximité, un arbre-à-chat. C’est vrai qu’il suffisait d’y penser. Même si la vraie question serait plutôt pourquoi s’en débarrasser.
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Faribole animalovégétale, sur une idée dénichée ici. Illustration : Transport d’un arbre au Bois de Boulogne, 1914. Agence Rol. Bnf/Gallica
Et pour faire courir un peu les chats : un arbre à chiens!
d’accord, mais après, pour faire courir les chiens, il faudra un arbre à quoi ? un arbre à nonosses ??
On ne peut retenir son ris en lisant cette histoire… 🙂
Merci Dominique ; j’ai vraiment souris à ma feuille en écrivant cette histoire 🙂
Une fois, je me suis endormi sous un arbre à loirs. Eh bien ! croyez moi ou non, j’ai fait de beaux rêves, des rêves d’une femelle loir qui vivait dans un château. Il était beau, le château de la loir, mais peut-être un peu cher pour mes pauvres moyens ! (l’arbre était un petit chêne, un chenonceaux, quoi…). Je me suis éveillé en entendant une clochette, dre-l’indre, dre-l’indre.
impressionnant !
et sous les branches du chenonceaux, nichaient les amoureux de la loirette : c’était, Rameau le sait, presque les indres galantes
🙂
Ha ! Ha! Bien contente de t’avoir inspiré Carnets ;o)
Et je te remercie pour la photo qui a déclenché l’histoire 🙂
On devrait faire un tandem photos-textes ;o)
chiche ?!
faudrait qu’on se trouve un thème ?
i l’arbre à souris induit l’arbre à chats, est-ce que je dois en déduire que l’herbe à chat induit l’herbe à souris ? du coup faut aussi se méfier de l’endroit où on pose les pieds, le soir !!!
zut, je n’avais pas pensé à l’herbacha 😦 ça complique tout… en attendant, il vaut mieux,en effet, faire attention où l’on pose le pied 🙂
les déplacements deviennent compliqués 😮
Bon jour,
Cela m’a fait penser à la … chauve-souris …une parente de l’arbre-à-souris sans doute 🙂
En tout cas un texte comme je les aime, quand une certaine réalité fait son chemin entre fantastique et imaginaire entre conte et fable 🙂
Max-Louis
Merci Max-Louis ; la chauve-souris n’est pas loin, en effet (elle n’est jamais loin, d’ailleurs, voletant entre fantastique et imaginaire).
Ravissant et pas question de s’en débarrasser!
Merci Almanito ; en effet, la question finale était toute rhétorique : il n’est pas question de s’en débarrasser ; d’ailleurs les chats le voudraient-ils ??
🙂 un joli conte … au début de l’été , tous les soirs , des chauves souris tournaient un moment autour d’un arbre planté devant notre balcon et puis elles ont disparues sans crier chauve qui peut ! notre gros minou , vadrouilleur de la nuit, les chassaient peut être …
J’avoue que j’ai de l’affection pour les chauve-souris et leur vol minutés par le crépuscule ; pas sûr qu’un chat les dérange plus que ça….
Et dire que j’en étais restée à l’herbe à chat et qu’il y a aussi des arbres à chats (et j’ai souris en relisant ton texte )
Mais l’herbe à chat est une vraie question : y a t-il (il devrait !) une herbe à souris ??
au passage, précisons que certaines souris-feuilles sont, par gout du camouflage, des souris vertes !
L’art du camouflage des souris vertes est un sujet à lui seul 🙂
J’adore !! Tant qu’à planter, ajoutons un arbre à fromage … histoire de faire naître quelques nouveaux contes !
Plantons ! des arbres à pâte molle, des arbres à pâtes dure, des buissons de maroilles, des forêts de,camembarbres !!
sans compter que l’abbaye d’Aulne, à Gozee, nous a devancé 🙂
Nous a devancés, non d’un fromage … ça m’échappe – je connais très bien le lieu !! Mmmh?
Quel texte charmant !
Merci Marina(de) 🙂
ça ne m’étonne pas, par chez nous les rats montent sur les palmiers pour aller manger les dattes.
Certains font appel à des joueurs de flutiau, mais si on commence à croire à toutes les Grimmeries.
Le bois de ces arbres seraient réputés pour les lutheries d’ukulélés, ça leur donne un son grignotant….
je ne connaissais pas les rats-dattiers, mais ça prouve qu’ils ont bon goût !
pour les ukulele, il parait qu’il y a déjà des puces dedans…. peut-être des puces de souris ???
J’attends la suite avec l’arbre à chats, texte délicieux.
Une suite avec l’arbre à chat ? j’aimerai bien la lire aussi
Merci Sophie
Quant à l’arbre à chat, je crois qu’il sert aussi à se débarrasser des chats: on a parfois l’impression qu’au plus ils sont grands, chers, perfectionnés, pleins de cachettes et propices aux acrobaties, au plus les chats les fuit pour se trouver un coin de fauteuil afin de dormir tranquilles! Il y aurait une histoire une autre histoire à raconter, mais l’arbre à histoires, il est dans ton jardin (jardin merveilleux où paresseusement les lecteurs de tes carnets coulent des jours heureux !)
😘
en effet, l’arbre-à-chat me parait bien fait pour faire fuir les chats.
mais l’arbre à histoire, lui, pousse partout et il a plein de feuilles, de fleurs et de fruits; heureusement 🙂
Et tu fais un bel arboriculteur d’arbres à belles et drôles d’histoires
Il y a maintenant dans les squares des grandes villes, des arbres à rats !
Quand vous les voyez, fuyez, fuyez car ils n’ ont peur de rien surtout pas de l’ Homme …
On voit des choses bizarres
dans les villes et dans les squares !
🙂
Vous l’avez dit, mon ami
cette histoire d’arbre-à-souris
n’est d’autre que poésie…
En attendant,
s’il en sort des arbres-à-chats
et des tandems en feuilles d’automne,
pourquoi pas?
sur la route,
des feuilles d’automne
passent en tandem.
😉
C’est mignon. Même si l’article accouche d’une souris. Il aura le mérite de faire d’un arbre à mythe/ à mites/ »mice » tout une montagne.
Merci ; mais qui de la souris ou de l’arbre (ou de l’article) accouche de l’autre ??
la question se pose, en effet !
Nous, on a des rats d’arbres – en fait ce sont des écureuils mais tout gris, plutôt gras, et pas très fournis de la queue. Ils bougent très vite comme moi le matin après mes deux tasses de café. Ils s’approchent facilement des humains qui leurs donnent parfois à manger, comme par exemple à Harvard Square. (Je ne sais pas quoi, ce qu’ils ont sous la main.) On ne cherche pas à s’en débarrasser parce qu’ils sont tout de même pittoresques avec leurs petites mains de rongeurs.
Ou…quand on abuse de l’arbre à came
la biodiversité augmente
(Souris re)×2