Quand on dinait au wagon-restaurant où tanguaient les menus,
– tiré d’un tiède et faux sommeil
par la cloche du service de nuit,
on s’était levé titubant,
hébété par les trépidations régulières
du convoi lancé à pleine vitesse
[suite inéluctable d’invariables triolets trébuchant à peine aux rares aiguillages] –
on ne s’arrachait pas
sans peine
aux heures fantomatiques confinées dans la boite close du compartiment,
toute conscience abdiquée,
abandonné en confiance au savoir-faire breveté des cheminots de l’Etat,
assis dans cette molle somnolence propice au rêve et à l’ennui,
proie de ces demi-songes idiots
(où l’on est tour à tour
et simultanément
singe roux euphorique, minuscule et hideux, ou philosophe allemand,
fille du Rhin et stagnant marécage),
de ces rêves ferroviaires
qui collent aux paupières au delà du réveil
à travers le cliquetis des fourchettes
et le brouhaha feutré des conversations du voisinage,
et, comme un écho du rythme ternaire du train,
s’imposent encore
Kant, ondine et eau vague, on reste orang-outan, gai, laid, menu.
* * *
Petit conte holorime sur le modèle d’Alphonse Allais (mais pas que lui). Illustration : l’ex-président du Venezuela Cypriano Castro à bord d’un train, le 23 avril 1909. Agence Rol, BnF Gallica.
Holorime ou pas… Allaisien ou non… ton poème est très beau ❤
Merci !! il fallait bien écrire un peu au milieu pour rendre crédible l’holorime…
et puis je me suis pris au jeu
🙂
Je suis nulle en holorime… tellement que je ne les vois pas ! Tu peux m’expliquer ?
c’est quand deux phrases différentes sonnent pareilles :
Alphonse Allai propose, par exemple :
Par le bois du Djinn où s’entassent de l’effroi
Parle ! Bois du gin !…ou cent tasses de lait froid.
dans le « train de nuit », la toute dernière phrase sonne comme la toute première 🙂
Ah ! yes 😀
Ah ! yes
ail, est-ce ?(exemple d’holorime qui veut rien dire)
Va falloir que je m’entraîne !
Ce ne sont donc pas des jeux de mots laids ! 😀 bon : on dira que c’est dimanche, hein ?
Une découverte pour moi, j’admire ton habileté souriante, c’est sans doute beaucoup plus compliqué à réaliser qu’on ne l’ imagine:)
Oh, c’est un vrai casse-tête à tricoter, surtout quand comme moi on découvre qu’on n’écrit pas orang-outang comme je croyais, et qu’il faut trouver une autre façon d’amorcer le « tangue » ou changer toute la fin de la phrase…
du coup le sourire est obligatoire, sous peine d’énervement idiot !!
🙂
Littérature compartimentée, c’est bien quand on ferme les rideaux et alors on se laisse bercer par le rythme du train de nuit (celui de Paris à Nice va être supprimé, l’oiseau de malheur pépie)… 🙂
Ne restera bientôt que la littérature pour voyager et rêver ; après le repos du dimanche (qu’on dit dominical, tiens tiens 🙂 ) et les trains de nuit, c’est sans doute la nuit elle même qui sera supprimée… pas assez productive et décidément trop sombre !
T’as pris un rail (et même deux), là …
Un penchant rythmique pour les voyages. Et après les bus-nonnes, les trains-à-présid’orang-oukant.
Et suis contraint de voyager par dictionnaire, vu qu’holorime n’est pas une voiture-classe-confort à train-train sonore (holorame couchettes?)
je prends souvent l’holorame avec ou sans couchette, surtout quand je rame pour sortir une holorime !
Holo métro dodo …
l’holorime en cachette
L’holo-à la-bouche aurait dit Gainsbarre le chef de gare à tête de l’art.
🙂
un régal, merci
Merci, les cafards
(ça fait drôle à écrire)
On tangue en triolets à la lecture de ton poème comme tanguent nos rêveries aux soubresauts du train. Bravo pour l’habileté, merci pour la rêverie (dit celle qui se réjouit en secret quand un long voyage solitaire en train lui est promis: quoi de plus propice au bonheur intime et vagabond?)
Merci LesNarines 🙂
Bon jour,
Un texte qui des rails, va en bonne ligne, ne s’égare pas, et ballast bien, bref c’est fort. 🙂
Max-Louis
Je m’entraine pour devenir écrivain officiel de la Sncf !
🙂
Excellent 🙂 J’adore cette réponse 🙂
J’ai mis un temps fou à trouver l’holorime… (1er et dernier vers, ouf!). J’imaginais au début que tout le texte devait être en holorimes et je n’y comprenais donc rien…
Pas futée, la Mo… 😦
Ah oui tout un texte en holorime, ça se peut, mais j’en suis pas là (pas futé, le dodo)
il y a quelques perles (de culture, forcément) là :
http://www.fatrazie.com/jeux-de-mots/jeux-de-mots-divers/50-vers-holorimes
Carne et paresse ? euh….
¸¸.•*¨*• ☆
c’est ‘xactement ça !
🙂
cette fois encore
il s’en faut de bien peu
que je m’essaie au jeu
mais j’y mettrais des jours
du lit jusqu’à la cour…
j’avoue, quand je te lis
ça m’titille en maudit *…
le fait est que
j’en voudrais huit de vies
(au moins, et parallèles)
et fussent-elles toutes vies d’artisans
et de passeurs de mots
j’en voudrais une où je tisserais
des étoffes saskatchewanaises
qui n’en seraient pas, mais bon.. euh.
..merci, dodo, pour la folie
la passion contagieuse..
et ton sourire en coin.
*en maudit = beaucoup
🙂