Bonhomme Novembre

Rapetassé de brume épaisse, revoilà le bonhomme Novembre
errant par les places et les rues,
sombre compère des longues nuits, du brouillard qui ronge le jour,
de l’ennui froid qui mord les os.

Trente deniers autant de jours tintent faux dans sa poche creuse
c’est le prix des nuits qui rallongent
des cieux de neige du sol de suie, des souvenirs tout engourdis,
et des larmes qui griffent aux paupières.

Emmitouflé de laine blême revoilà le frileux Pierrot,
sa main grippe ce qu’on abandonne :
les dernières feuilles d’automne, les faibles rayons de soleil,
et à l’aube, la pauvre lumière.

Peu avare pourtant le bonhomme, prodigue de ses piètres trésors
il sort du fond de son bissac
la pâleur fade du crépuscule, la brume glacée du matin,
et ce ciel en cendre de pluie.

Revoilà le sombre Novembre, rapetassé de brume épaisse
à bout de souffle sa voix tremble :
dites adieux aux rêves engourdis, tant pis pour les amours qui trainent,
voilà l’hiver voici la nuit.

 

* * *

42 commentaires

  1. Très beau poème. Mais il me semble qu’on en ferait une lecture plus fluide si les vers longs étaient coupés en deux… (Je dis cela pour dire… Bonne journée)

    • Merci ; en effet, on peut tout à fait découper les vers en 8/8/8

      Rapetassé de brume épaisse,
      revoilà le bonhomme Novembre
      errant par les places et les rues…

      mais ça rallonge la lecture d’environ un tiers (10 lignes de plus). C’est cette raison très prosaïque qui m’a fait choisir l’option 16/8
      🙂

  2. Novembre, on en tremble (de froid, de tous les membres), tandis que les paradis fiscaux réchauffent encore les PDG des entreprises multinationales, avec la bénédiction implicite des Etats prétendus « libéraux » et plein de libéralités.

    Novembre, sapin de Noël bientôt pour Nike, Apple, Total, Whirlpool… : on en viendrait à ne plus marcher, téléphoner, prendre de l’essence, laver son linge.

    Bruno Le Maire (adepte du nucléaire avec son alibi effondré tout à coup sous la hulotte dévoreuse) découvre ce qu’est le capitalisme mondialisé : il n’est jamais trop tard pour apprendre, même quand le froid commence à mordre et à pincer.

    Ce beau poème des « Carnets » (et non des « Paresseux Papers ») est donc – aussi – politique. 🙂

  3. Sale bête ce bonhomme Novembre, qui nous trainera sa descendance jusqu’en février au moins …

  4. Moi, ce que j’aime dans les carnets du paresseux, c’est la diversité des styles et des approches. Tantôt frileuses comme dans cette approche de l’hiver, tantôt hilarantes avec cette fable du renard, du corbeau et du fromage qui ne sera jamais mangé, tantôt poétiques ou prosaïques, on ne s’ennuie jamais. C’est donc avec une pointe d’envie, un chouïa de jalousie, mais surtout avec une grande admiration teintée de tendresse pour ces récits dont je suis une fan (mais bon, je ne suis pas la seule, alors dans la masse, je me fonds), que je vous salue bien bas, cher Dodo.

  5. Ou comment dire l’hiver venu et novembre une nouvelle fois et de façon nouvelle. Ce bonhomme est tout neuf Avec un je ne sais quoi de familier qui fait qu’on l’aime, le grincheux!
    Magnifique poème!

    • familier, c’est normal : on le voit tous les ans, pendant un mois plein ! et comme dit l’Ornitho, il nous laisse du froid gris jusqu’au printemps au moins…
      merci les Narines-dans-l’écharpe 🙂

  6. Pourquoi y z’ont tout dit, les autres z’avant moi ?
    Je plussoie des deux mains tous les commentaires précédents.
    Quel superbe poème qui me ferait presque aimer la luminosité déclinante de novembre !
    Mille mercis, cher Monsieur Carnets !

    • Izont tout dit
      parce qu’
      issont passé plus tôt.
      [les commentaires appartiennent à ceux qui commentent tôt !]

      je voulais faire un bonhomme vaguement inquiétant, une espèce de Croquemitaine à la sauce hivernale, lamentable et un peu terrifiant en même temps ; mais bon, je ne suis pas Ray Bradbury !

      • Et pourtant j’étais levée à 5 h ce matin !!!!
        Mais ton Bonhomme Novembre ne m’est pas terrifiant… il me réconcilie presque avec son homologue calendaire… Pourtant il y a fort à faire.
        Ben non t’es pas Ray Bradbury : t’es pas mort le 5 juin 2012 (à 91 ans) à Los Angeles en Californie… C’est quand même chouette, non ?

  7. Très beau poème qui décrit si bien le mois de novembre où les jours rapetissent avant de rallonger « d’un saut de puce » fin décembre, comme le disait ma grand-mère.

  8. Ben moi, j’ai un peu peur, là…
    Je ne sais pas si j’ai un frisson parce que ce poème me fait peur ou parce qu’il me donne froid.
    Je me serre dans ma petite laine en rêvant de printemps.

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