Pfuuuu. J’avais pourtant des idées, des bonnes et des meilleures. Voyez un peu !
Il y a eu d’abord l’histoire d’un petit bistrot paumé dans un petit pays perdu, loin des rêves et des effervescences des grandes capitales. Un café tenu par un gars sans histoire, sans prise et sans attache [le gars], toujours ouvert [le bistrot], comme un petit signal, une lueur dans l’indifférence blessée d’un monde d’une quelconque entre-deux-guerres [est-ce qu’on n’est pas toujours entre deux guerres ?].
Ça aurait été sombre et fuligineux, un peu inquiétant, avec une demi-pénombre seulement trouée par la lumière tremblante des quinquets tremblotants et, presque accidentellement par des fulgurances de soleil à travers les carreaux épais masqués de rideaux à carreaux rouge et blanc. J’y aurais mis des personnages en silhouette, un peu bruts [on aurait deviné des vies lamentables et touchantes, de la fierté mal digérée, mais rien d’émilezolesque non plus]. Bref un train-train laborieux et un peu ennuyeux sous la lourde coupe des saisons, symbolisée par les ahans du grand souffle du vent et l’incessant bredouillis de la rivière qui coupe le village. Dans la salle du café le silence [on ne se parle plus tant on sait ce que chacun raconte] heurté seulement des chocs des culs de verre sur le comptoir des claquements de domino sur les tables, du tic-tac de l’horloge. Et au milieu de tout ça le cafetier comme un arbitre, non, comme un témoin, un passeur. Et puis [attention à la chute !] des détails des indices de petites touches savamment distillés au fil de la lecture auraient permis au lecteur d’imaginer [sans rien affirmer non plus, attention] que ce bistrotier n’était pas tout à fait à sa place là, et peut-être même qu’il s’agissait d’une ombre de poète [Pas Rimbaud quand même, se serait dit le lecteur ! Et puis si, Rimbaud, qui d’autre ?] retour d’Afrique trainant ses désillusions et sa patte folle jusqu’ici, pour y vivre caché en chérissant le souvenir de son premier ami.
Et puis, une fois prémédité tout ça, l’écrire, bof.
Alors, je me suis demandé si un dialogue un peu comique entre les maisons d’un petit village, ça pourrait pas faire la farce ? Voyez donc, chaque bicoque défendant ses gouts littéraires, la vieille église, le château, les grosses maisons bourgeoises, les sam’suffits du faubourg, les ateliers, les échoppes… jusqu’à, bien sûr, arriver au bistrot. Un truc mi fantastique moitié quotidien, façon Marcel Aymé [révérence gardée]. L’occasion de ressortir des auteurs un peu oubliés, de ranimer mes vieux anarchistes favoris, et puis l’air de pas y toucher de dénoncer l’hypocrisie du tout un chacun d’aujourd’hui sous couvert de raconter une vieille chronique des temps passés.
Mais, là encore, vite vite, pffuuuu…
Après j’ai songé à un tout petit poème, genre :
Monsieur le maire ne lit guère
Au château on relit Péguy
Monsieur le curé son bréviaire
Et le notaire, les Avis.
Les cartes postales ? La postière.
La mercière ? Paul Géraldy !
Les autres ont autre chose à faire
Faut faire pousser les radis…
Sauf qu’arrivé là, j’ai calé net, bêtement, avant d’en arriver aux lectures du cafetier [c’était quand même le but et la chute…]
Alors je me suis dit : il y a des jours où la pâte ne prend pas, des fois où le mélange ne pétille pas, et dans ces moments-là il ne sert à rien de forcer le destin ; tout ce qu’on peut faire, c’est de s’en tenir à l’essentiel, ‘xactement comme le café de Coupiac et, sans rien imposer à personne, d’affirmer tout simplement, d’une simple lettre :
Aime Verlaine.
* * *
pour l’agenda ironique d’octobre, ousque la photo cid’sus devait servir de démarreur. Et puis pfut !
Quand les grumeaux deviennent des gourmandises! « Café Aime Verlaine » Évidemment. Et quand le récit de « comment j’ai tenté d’écrire quelque chose mais n’y suis pas arrivé » devient le savoureux quelque chose en question. A la sauce paresseuse, toujours – mais on adore!
Merci ! le fait est que j’ai vraiment eu envie d’écrire les trois trucs proposés, et qu’ils se sont vraiment éteints tous seuls…. me restait plus qu’à tenter la pirouette pour essayer d’escamoter le raté 🙂
Oui, j’avais bien compris!😀 mais la pirouette est très réussie, toute en légèreté! Un vrai petit rat de l’opéra!
Tout ça pour arriver à cette photo… hihihi
Que dire sinon que j’M beaucoup et vraiment tout ce qu’il y a dans ce « A la lettre ».
Merci Marianne ; j’ai fait le chemin inverse, « tout ça à partir de cette photo » 🙂
Pour quelqu’un qui n’est pas inspiré….
Un régal et toujours avec humour, bravo!
🙂 c’est pas tant la panne d’inspiration que le gros coup de flemme d’agencer tous les détails du mic-mac et de tout rédiger… pfuuu…
(mais bon, une fois que j’ai compris que je n’y arriverais pas, je me suis bien amusé !)
Moi aussi, j’ai compris que je n’y arriverais pas. Ca donne pas le même résultat, tiens ! Entre un feu d’artifices de petits riens qui éclairent et un amas de riens du tout qui ne donnent rien que du rien, on voit la différence. Bravo le Dodo, je m’incline devant tant de brillance !
Bien joué, Carnets ! J’aime ton texte, et ces aperçus joliment composés sur différents univers – et comme toujours, tu donnes faim, on a envie de lire ces textes auxquels tu as renoncé. 🙂
Merci Frog ; je plaide non-coupable : ce sont eux qui ont renoncé à moi, à force de fuir en zigzaguant devant mon stylo ! Cela dit, j’aimerais bien les lire, peut-être même plus que les écrire.
Si quelqu’un veut prendre le relais… 🙂
Retourner à cette photo était sans doute le but inconscient de ces divagations, fort agréables au demeurant.
La photo parle (presque) toute seule : chacun imagine ce qu’il veut ou « m »… en la contemplant à nouveau (Germain).
C’est bien qu’elle ait été écrite une fois encore ! 😉
En effet, j’avais choisi cette photo pour l’agenda ironique parce qu’elle parle. Erreur de débutant : elle parlait si bien que je n’ai pas trouvé quoi lui faire dire d’autre ; alors, au bout du conte, je lui ai laissé le mot de la fin.
ils existent encore, ces bars où on joue aux dominos, avec des rideaux aux carreaux rouge et blanc ? C’est vrai que le tien était situé dans un endroit paumé, alors forcément…
Il m’avait l’air bien difficile à faire cet exercice pour l’agenda ironique mais tu t’en es bien sorti, quoique tu en dises. 😀
ils existent dans les histoires qui les racontent, au moins 🙂
je sais qu’il y en a des comme ceux-là ! Et pas que dans les livres ! 😀 J’en ai vu de mes yeux vu ! Mais vu mon grand âge, pas étonnant ! 😉
Y a des jours comme ça… 🙂
Cela dit, beau retournement de situation, Carnets ! Tu as l’art et la manière de jouer avec les mots même quand les idées s’échappent. Et nous on en profite. C’est parfait !
Merci Laurence !
Bon jour,
J’adore 🙂 et surtout le premier paragraphe qui pose le décor.
En fait, j’ai l’impression de lire un anti-texte, une anti-histoire.
Excellent 🙂
Max-Louis
Merci Max-Louis ; ça ne vous tenterait pas de l’écrire, cette anti-histoire qui se cache dans le premier paragraphe ? J’aimerais bien la lire !
Euh … est-il raisonnable que j’écrive une anti-histoire alors que la vôtre me semble d’une belle facture ? 🙂 Je ne pense pas avoir les moyens.
Max-Louis
C’est que maintenant j’aimerais bien la lire cette antihistoire 🙂
Tu as écrit un magnifique texte en forme de prétérition.
T’es trop fort !
¸¸.•*¨*• ☆
Encore un mot que je ne connaissais pas ! Merci Célestine
🙂
Eh ben moi, j’en suis au même point, avec quatre ou cinq idées qui n’aboutissent pas… Sauf que je n’ai pas eu l’idée d’écrire aussi bien que toi que je n’ai pas d’idée…
Itou !
Et pour l’incipit, Anne ? T’as pas d’idée non plus ?
Rhôôôô, je viens chasser sur les terres du Dodo (que, d’ailleurs, mon incipit ne fait pas rêver !)
pfuut !
J’ai nettement le sentiment d’avoir tiré sur les limites du jeu 🙂
en fait, une fois admis que je n’arriverais pas à finir une seule des histoires, c’est devenu beaucoup plus facile d’écrire… bizarre, non ?
C’est rigolo – enfin pas vraiment – le sujet me paraissait aisé à aborder… Et puis, et puis, et puis…
Ça alors !
Vive les pires … où êtes ?
et vous
les acrobates qui les faites
vous méritez bien
qu’on vous fêtes.
(sourire d’ablette)²
sourire coi
benêt
& béat²
merci Aunryz
Chouette poéme.
celui d’Aunryz ? mais carrément !
[…] coups de savates. Vous savez ce que c’est : on l’a lu chez Zola comme le rappelait très bien le curé Paresseux lors de son sermon de dimanche […]
Et moi, avec le sourire, en guise de commentaire, j’écrirai : Aime ce dodo.
🙂
L’admiration me coupe le sifflet!
(non, pas pfuuut)
meuh, il faut pas !
triiiiiit (fait le sifflet)
J’aurais remplacé les rideaux à carreaux par de la dentelle à paysage de mer… Mais sinon, j’aurais tout écrit-pas-terminé pareil…. En moins mieux, cela va sans dire… Du coup, je le dis pas… Sinon… bravo !