A plein bec trompette le piaf noir enfin débarrassé de ce fichu fromage que le fabuliste avait cru bon de lui coller dans le bec afin d’amener corbeau-ne-sait quelle morale niaiseuse, et le corbeau ne se sent plus de joie et se grise de son chant grinçant qui piaule dans le vent (fini le fardeau lourd et rond qui suait le petit-lait et clouait au sol, bec clos) voici le temps du chant qui vole et s’entortille dans les hautes branches, claironne et cascade le long des troncs et des racines, bondissant à plein bec, jusqu’à débusquer le renard aux rousses oreilles rabattues et plaquées sur la houppe rouge pour échapper aux crissements de joie de l’oiseau, au renard qui rendu au trot au fin bout de la trace de la fuite – longue roulade à travers les herbes – du fromage, considère (le renard) la flaque noire ou s’est réfugié – plouf ! – son gibier (le laitage), rond d’eau claire et profonde (la flaque) comme la nuit et froide à n’y patte-plonger – sans compter les écrevisses qui pincent et les brèmes ondoyantes aux dents aigües – pense (le renard) prendre les cieux à témoin de son sort (qu’eut-il mieux fait que de se plaindre ?) et, levant alors les yeux découvre (surprise !) en plein milieu du ciel nocturne le grand reflet du fromage (rond le reflet, rond le fromage), qui roule entre les nuages crémeux – haut, si haut, très haut (le reflet les nuages et le ciel noir), bien plus haut qu’un raisin trop vert et si haut justement que l’écho du corbeau a bon bondir ronfler et retentir, il n’arrive pas (et de loin) jusqu’à ce fromage (ou ce raisin ou son reflet) qui roule dans un vaste silence où s’efface le renard.
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D’une traite (c’est la consigne) une phrase perdue, écrite pour l’agenda ironique de juillet hébergé chez Nervures et entailles.
joli…
Merci Anne 🙂
Oh que c’est joli et drôle, de quoi se réconcilier avec les fables… parfois si ennuyeuses! 🙂
Quand on leur ôte leur morale, les fables deviennent de jolis terrains de jeu 🙂
Excellent ! Pas dans le sens de « j’aime beaucoup », bien que rien ne soit plus vrai, mais dans le sens de « bravo, chapeau bas ». Dégringolade (roule galette) superbement jouissive !
Merci Frog ! « la dégringolade du roule-galette »,voilà un titre qui promet 🙂
Malin !
Merci !
A lire d’une traite aussi? Pas facile….
Un texte qui donne le sourire.
Lire d’une traite ?
et puis je l’ai écrit d’une fausse traite, en une séance mais avec quelques pauses quand même pour respirer (et sourire aussi)
Ah quel rythme génial pour cette phrase unique ! Elle offre un ton nouveau à la visualisation de la situation… ironique 🙂 Bravo Carnets !
Oui, le format change la donne ! Joséphine a eu une belle idée avec cette phrase unique (au début je ne savais pas du tout quoi en faire… ;(
original (le texte) et agréable (la lecture) 😉
merci (gibulène) 🙂
Génial! Monsieur de la Paresse!
Merci, madame Narinedecrayon 🙂
🙃🙃🙃🙃🙃
🙂 🙂 🙂 🙂
(en miroir comme le fromage et la lune)
Nom d’un fromage !!! voila de la phrase qui roule et tourneboule !
Depuis le temps que cette fable existe, il fallait bien remettre le fromage au centre du débat 🙂
Rusé !
rusé comme un fromage 🙂
Rusé d’ avoir revisité cette fable de la sorte. Mais on va pas quand même en faire un fromage 😉
J’aime beaucoup jouer avec les fables ; comme tout le monde en connait au moins un bout chacun y retrouve ses petits et on gagne un temps fou ! Et en effet cette leçon vaut bien de ne pas en faire un fromage 🙂
Et puis la lune, qui roule sur elle même en traversant le ciel, en baignant dans la flaque son reflet fugace, sans l’ivresse du raisin fermenté, sans treille, sans bruit, et sans se presser…
Pendant que le silence dort.
Je n’aurais pas mieux dit, c’est pourquoi tu l’as dit !
pas mieux 🙂
pas mieux 🙂
Ah la vache ! A avaler d’une seule traite !
Pis ! ça dévale d’une traite (de vache)
« Prendre les cieux à témoins de son sort », celle ci entre autres, je l’ai lu et relu à différentes vitesses , il y’a de la musicalité dans ces phrases, oui je sais je me répète mais comme le talent est répété. ..et je vis pas à ses dépens. ..
Encore une belle jonglerie de mots.
Doux vertige.
Merci Domiuke ; à y réfléchir je me demande s’il n’y a pas un écho de souvenir de chansons de Brassens dans certaines phrases, ici ou là… d’où la musicalité 🙂
Décidément, tu raffoles de cet exercice! Attention à ne pas t’étouffer!
En effet le jeu de la phrase unique, c’est une drôle de dégringolade jusqu’au point final ; mais je certifie qu’aucun fromage n’a été blessé ou étouffé pendant le tournage 🙂
En 40 mots d’anniversaire (ou quelques uns de plus), Carnets le poétique rend hommage d’un fromage, un piaf et un goupil aux 3 aventuriers rêveurs et éclairés qui l’ont foulée, cette somptueuse nocturne qui, chaque soir, ravit mon coeur et mon âme, alors, à Carnets,j e dis merci d’avoir, de sa plume magique, glorifié l’astre que je chéris !!
Mais oui, l’anniversaire de la lune ! voilà ce qui manquait dans cette histoire !
merci Patte :))
Une écrevisse qui pince ? Ça n’existe pas ! Courage Renardodo !
Une écrevisse de dix huit mètres, avec un chapeau sur la tête ?
Et pourquoi pas ? Il y a bien une jument verte qui écrit…
[…] Carnets paresseux : L’âme au diable ; Fuite du cerveau ; À bec perdu […]
Très pert-inent ! 😉
Une perte célèbre…et une phrase aussi travaillée qu’héroïque…
Il fallait le faire !
Merci Licorne ; il fallait le faire ? en tout cas c’est fait. 🙂
ça faisait un moment que je me demandais à quoi ressemblait le chant du corbeau cruellement bâillonné par un fromage.