Maître corbeau sur son arbre perché…
Patience, on n’y est pas encore !
A cette heure-ci ni corbeau ni renard
– Renard est toujours en retard et le corbeau vient en dernier –
Quant au fromage, je sais ce que vous pensez : en l’absence du corbeau on ne peut quand même pas lui demander de grimper tout seul à l’arbre.
Vous avez raison
– sauf à songer causer à un fromage, on ne peux pas le lui demander –
et vous avez tort
– l’absence du fromage a d’autres causes, on en reparlera plus tard –
En attendant, l’arbre, lui, est bien là
des racines au houppier
avec son lot de rameaux, de gourmands, de bourgeons et de feuilles
il est là, et depuis longtemps.
Depuis combien de temps ? Pour le savoir, facile, il suffirait de compter les cernes qui cerclent depuis l’aubier jusqu’à l’écorce, mais pour cela il faudrait d’abord couper l’arbre et ça c’est du boulot, et puis après on aurait l’âge d’un arbre mort, et plus de branche haut perchée pour les pattes jaunes du corbeau – vous l’imaginez posé sur une buche ? Il aurait l’air malin ; et alors le fromage serait à portée de la faim du renard.
Partant, plus de fable.
Non, il vaut mieux ignorer son âge et que l’arbre soit là.
Pendant ce temps, ce que fait le renard ? Il trotte à ses affaires de renard.
Le corbeau, lui, vole en rond au dessus de la fromagerie, tendant le bec en rêvant à son prochain larcin. Il peut bien rêver, la fromagerie est en chômage…
mais alors ousqu’il va trouver le fromage de la fable le corbeau ?
Ouf voici que voilà Perrette qui va sur le chemin, un petit pot au lait à la main, de quoi faire un fromage, guère plus mais pas moins, pas de quoi sauver la fromagerie mais assez pour notre fable.
elle va rêvant à la pèlerine rouge qu’elle s’offrira avec les trois sous gagnés, au pot de beurre qu’elle rapportera et à la galette qu’elle croquera à la prochaine foire.
Mais, comme elle passe un petit pont qui surplombe l’onde pure d’un ruisselet
voilà que voici compère loup cherchant l’aventure
– si ce n’est lui c’est certainement son frère, ou quelqu’un des siens –
Oh, la bobinette que fait Perrette en le voyant !
Plouf !
La cruche choit.
Non ?
Mais à l’eau !
Quoi ?
C’est râpé pour le fromage.
Le corbeau maugréant s’écrie « jamais plus ». Le renard dépité retourne à ses attrapes. Que faire de mieux que de se plaindre, sinon filer chercher une fable mieux achalandé ?
L’arbre lui, reste là, pas mécontent d’être débarrassé de ces hôtes encombrants
et songe aux prochaines saisons, rêvant de bourgeons, de fleurs et de fruits.
Vive l’arbre, il vivra plus vieux que les autres…
Merci Anne ; oui, il est bien parti pour vivre vieux ; tant qu’il ne croise ni le bucheron ni le roseau (les fables de La Fontaine sont pleines de pièges !)
La morale est sauve l’arbre est toujours là, prêt à accueillir toutes les fables des poètes…
L’arbre est sauf ; la morale, c’est une autre histoire, mais je laisse Jean de la Fontaine s’en déprêtrer 🙂
belle image, un arbre à fables (tu vois ça comment ? autant de fables que de feuilles ?)
Un nouveau ministre va distribuer 150 000 exemplaires des Fables de La Fontaine, en espérant lui-même ne pas se retrouver dans le rôle de la grenouille !
Merci Dominique ! en offrant du libre de droit/domaine public, il favorise grandement la poésie contemporaine.
Outre la Grenouille (si j’ose dire) il doit avoir quelques fables applicables aux ministres… celle de la tortue qui se met en marche ? ou celle du lion jupitérien ?
J’ai mis un lien sous le mot « ministre » mais il ne semble pas apparaître… Une fable invisible ? 🙂
un ministre invisible, plutôt.
je recolle le lien en mode « bien visible » : http://www.leparisien.fr/politique/education-le-ministre-blanquer-va-offrir-les-fables-de-la-fontaine-aux-eleves-de-cm2-23-06-2017-7080540.php
J’aime toujours autant lorsque tu revisites les fables. Et puis, de quel arbre s’agit-il ?
Pas grave s’il est coupé, avec le bois on fera du papier et on y imprimera tes histoires… C’est un beau destin pour un arbre, non ?
Merci Alphonsine ; les fables sont un joli terrain de jeu, et comme tout le monde les connait peu ou prou, le moindre mot est évocateur, ce qui n’est pas à dédaigner pour un paresseux 🙂
L’arbre fera du papier… le plus tard possible. D’ici là, il fait des feuilles, ça n’est pas si mal !
Fabuleux !
Lorsque les personnages prennent leur envol en dehors des sentiers battus, on se sent pousser des ailes aussi…
Merci 🙂
Ah mais non Marie-Christine, c’est à moi de dire « merci » !
« C’est râpé pour le fromage »…
Avec des perles comme celle-là, tu m’as conquis j’ t’adore !
¸¸.•*¨*• ☆
J’avoue que pour cette blague là, j’ai (un peu) hésité 🙂
Déclinaisons de fables, on n’en a jamais assez. C’est inépuisable avec un tel imaginaire qui tire la queue d’un fil qui se retrouve avec un tas de bricoles attachées au hasard de ses hameçons. Une pêche au gros, au très gros, à l’immense. Vive la créativité ! On ne s’ennuie jamais, on sourit, on en veut toujours plus. Que du bonheur.
Merci Anne ; l’imaginaire, il est tout entier dans les fables et les contes, il suffit d’en faire un petit tas et de laisser les connections se connecter.
mais c’est vrai que je m’amuse bien 🙂
J’ai souri de bout en bout. Tu es un véritable conteur !
Merci Lydia ; là, je me vois plus comme un copiste/copieur/mélangeur 🙂
Ah que de références, de réminiscences… Un vrai nuage de bribes de fables et de contes… Si les fables m’étaient contées à la manière d’un soi-disant paresseux…
C’est ce qui est plaisant (pour le paresseux) avec ce genre de texte : le lecteur imagine tout ce qu’on a pas écrit 🙂
[J’angoisse pour Perette … à tort peut-être. Il est des loups désirables (sourire)² ]
Et si Perrette était une louve-garoute ?
tu as sauvé l’essentiel !
oui, tant qu’on a une branche où poser un corbeau, la fable peut reprendre 🙂
Comme si je n’étais déjà pas si heureux comme ça….
tu n’es pas pour rien l’affable maitre renard 🙂
Voilà l’arbre qui cache une forêt de contes merveilleux.
Merci et bravo cher Dodo-pas-paresseux 🙂
Merci Marianne ; il va falloir aller faire un tour en forêt pour ramasser des histoires et des contes 🙂
Tu connais mon goût pour les arbres, ce texte-là me va droit au coeur ;o)
Et si c’était un tulipier ?
🙂
Tu t’abreuves à la source de La Fontaine avec délectation, c’est un constant rafraîchissement de souvenirs scolaires, et je me demandais si les élèves d’aujourd’hui s’y retrouveraient ?
En tout cas merci pour ces bulles pétillantes d’humour.
« Les élèves d’aujourd’hui » ?
au contraire, je suis dans le droit fil du ministre, qui veut les gaver de Fables (https://carnetsparesseux.wordpress.com/2017/06/24/en-attendant-larbre/#comment-9196)
Et puis disons que je partage le rêve de Zazie institutrice : « faire ch… les mômes » (je cite, hein !)
🙂
Moi ça ne m’a pas du tout emme.der toutes ces fables qui me permettent aujourd’hui de me balader dans tes fabuleuses pérégrinations.
Excellent, Carnets Paresseux !