Après s’être sorti la tête de sous l’aile, levé sur ses pattes hésitantes, ébroué, avoir regardé les cailloux et Guillaume Telle, le poussin dit enfin : « piou piou »
Pour le coup, qui fut fort surprise ? La poule ! Et c’est qui qui furent surpris aussi ? Les cailloux !
– Clot-clot ? dit la poule.
– Il a des pattes ! dit le premier caillou.
– Des ailes ! dit le second.
– Un bec ! dit le troisième.
– Des plumes, dit le quatrième.
– Il se lève et il marche ! dit le cinquième
– Il fait du bruit avec son bec ? demanda le sixième
– Jamais on peut dormir, ici ?», conclut le septième et dernier caillou.
On voit par là que si la capacité d’observation des sept cailloux avait cru et embelli, ils n’avaient en revanche pas fait de progrès sur la question – délicate entre toutes – de l’interprétation des informations recueillies. En revanche, la surprise de voir numéro huit bouger et émettre des sons leur avait fait oublier l’écho du pom-rac-rac-racl. Il est d’ailleurs temps de dire que cet écho n’aura aucune influence sur la suite de l’histoire des sept petits cailloux ; son rôle ? Pas de rôle, guère plus qu’une coïncidence involontaire, inopinée, accidentelle, voire anecdotique. Ce qui ne veut pas dire qu’il n’ait pas eu un rôle, important, décisif même, cet écho, ailleurs et dans une autre histoire. Mais c’est, précisément, une autre histoire.
Pendant ce temps, numéro huit s’ébroua derechef, lissa ses plumes et contempla le monde – enfin, le nid, le bord du chemin et le pré qui s’étendait jusqu’à l’orée du bois d’un œil intrigué et myope. Ainsi, après avoir longtemps assumé le rôle du vilain petit caillou, il s’était finalement réveillé poulet ; il fallait se rendre à l’évidence, ça arrive, ça s’explique pas, c’est comme ça.
La poule admirait fièrement son grand dadais de jeune poulet dégingandé debout dans l’herbe haute. Pour les cailloux le coup était plus rude : du meilleur d’entre eux – le plus ovale, lisse, dense et mutique caillou qu’on ait vu – n’était ainsi, inexplicablement, sortie qu’une simple volaille ! Finies, pour eux, les spéculations sur l’avenir, les possibles pattes, les ailes éventuelles, les balades, l’envol : c’était bon pour les autres, mais eux-mêmes resteraient immobiles cailloux rivés au sol, sans autre perspective d’évolution qu’une lente érosion.
Le silence s’épaississant, Guillaume Telle le brisa d’un coup de bec : « cot-cot-clot », répéta-elle. Et le poulet de répondre : « piou-piou-piou.
– Il parle à la poule ? – Elle lui répond ? – Et il lui répond ? Mais qu’est-ce qu’ils disent ? – Ils parle de qui ? Ils parlent de nous ? se demandèrent les six premiers cailloux ; et le dernier d’ajouter : cette histoire me pétrifie ».
Pendant ce temps, la poule rousse et numéro huit continuaient leur échange de piou-piou et de cot-clot pontués – les pioupious et les cotclots – de moults dandinements de croupion, battements d’ailes et hochements de tête.
A force d’attention, du piaillement des volailles les sept cailloux finirent par isoler quelques éléments sonores répétitifs, détecter des bribes du code employé par les poulets – bientôt baptisé par eux code-codec – et en analyser la syntaxe et la grammaire. Dès que l’un d’entre eux croyait avoir compris un mot, saisi un verbe, reconnu un adjectif, il le partageait avec les six autres. Ainsi progresse la science, par l’observation et l’échange, même entre cailloux.
Le double dialogue entre les poules – d’une part – et les cailloux – d’autre part – donnait à peu près ceci :
« cot-cot-clot – Qu’est-ce qu’elle dit ? – Imminence ?- Piouuuu… -qu’est-ce qu’il répond ? – Éminence ? Clooot ? – Immense ? – Piou-piou-piou ! – Ou plutôt immanence ? Ou encore impatience ? …ça y est, je comprends tout maintenant ! »
Cette dernière remarque était un peu optimiste. Il y eut encore bien des tâtonnements, mais à force de patience – fort heureusement, les cailloux n’en manquent pas – ils disposèrent bientôt d’un dictionnaire, d’une grammaire et d’un recueil de maximes assez fournis pour suivre à peu près la conversation de leurs hôtes à plumes.
A ce moment précis, le jeune poulet, tourné vers Guillaume Telle qui se dandinait devant les cailloux en clot-clottant – espérant toujours une éclosion tardive et collective de ceux qu’elle considérait toujours, contre toute évidence, comme ses œufs, – le jeune poulet, donc, lui dit :
« Mais enfin, maman, fiche-leur la paix, tu vois bien que c’est que des cailloux ! Tu peux toujours attendre qu’il en sorte des poussins ou des poules ! Quoi dit, l’ingrat – mais lucide – ancien vilain petit caillou ajouta : C’est quand qu’on mange ? », et Guillaume Telle l’emmena illico, à travers l’herbe haute, à la chasse aux pépins de pommes.
Qui furent fort marris ? Les sept cailloux ! Délaissés, ils restèrent seuls sur le bord du chemin…
* * *
à ton avis, lecteur, keskispasse ? Auteur, cailloux et lecteurs se retrouvent au même point qu’au début de l’épisode cinq ? On refait une boucle ? Ou quoi ? Encore une fois, mais cette fois c’est vraiment la dernière, carte blanche aux lecteurs, via les commentaires, pour les propositions de suite. Précision, chacun peut voter pour plusieurs choix !
Sinon, l’histoire commence là.
si on tourne en rond on va se prendre pour des cailloux !……….. à propos des cailloux, laissés seuls au bord de la route………… Ils aperçoivent au loin une roulotte de saltimbanques qui approche…………..
Mais non, les cailloux ne tournent pas en rond (enfin, si, les très gros, comme la terre et les planètes)… 🙂
je suis pas trop pour faire arriver de nouveaux personnages dans le dernier épisode, mais ok pour la roulotte !
tu fais comme tu le sens, ce ne sont que des suggestions, mais c’est TON histoire malgré tout…………..
Non, c’est pas mon histoire, c’est l’histoire des sept cailloux, pas une autobiographie (manquerait plus qu’on me prenne pour un caillou ou un poulet !)
Et j’adore les pistes que dessinent les suggestions !
Mdrrrrrrrrr tu en es le géniteur en tous cas. Et quelles que soient nos requêtes libre à toi de l’interrompre ou de l’orienter !!!
Le jeune poulet devint un beau coq qui vécut heureux et fit beaucoup d’oeufs à de jeunes poulettes qu’il rencontra au bal de la ferme.
La fermière, car il y en a une, forcément, là où il y a une poule, ramassa les cailloux et les disposa joliment dans un jardin japonais miniature. L’ambiance zen qui y règnait plut tant aux cailloux qu’ils y coulèrent des jours heureux jusqu’à ce que, des siècles plus tard, l’érosion les emmène au paradis des cailloux.
The (happy) end.
Ben voilà, tout est dit, et joliment ! si ta proposition remporte le scrutin, j’aurais juste un copier-coller à faire 🙂 !
Est-ce qu’on pourrait pas créer un dernier épisode à la « Un jour sans fin » où tu rejoues chacune de nos propositions à l’infini ?…
Genre le même billet publié tous les jours ? heu….
mais un « jour sans fin » avec chaque fois des variantes, pourquoi pas…
C’est un code Codec nietzschéen ou j’en perds mon morse ? De là à en déduire que Guillaume Telle est une surpoule, que l’éternel retour des cailloux sur eux-mêmes dénote leur volonté de puissance de pétrification, il n’y a qu’un piou.
Pourmoikeskisepasse ne laisse aucun doute. Les cailloux se jettent à cailloux perdus dans la littérature, après avoir découvert la loi de la créativité.
Joli piste, Jobougon, mais non, pas de morse dans l’histoire, il y a déjà assez de bestioles comme ça !
Les cailloux se lancent dans la littérature…en piquant sept plumes à Guillaume et Telle et numéro huit ? mais ils font comment pour l’encre et le papier ?
Ils forment les lettres eux mêmes une à une en se déplaçant au sol… Vu le pavé de 1000 pages qu’ils prévoient, tu y es pour plusieurs réincarnations !
Des cailloux qui bougent ? ça va prendre du temps, surtout s’ils essaient toutes les options « jour sans fin » !
🙂
Ah ! C’est ça, j’me disais aussi… 🙂 Le morse n’a pas pensé à tout. 😉
Ils jouent à mots perchés ?
🙂
Haaa c’est bien finalement de n’avoir pas pu lire à la suite, j’ai tout lu depuis l’épisode 6 !!! C’est excellent l’évolution des cailloux. Moi je vois bien cette roulotte se transformer en gîte, avec le jardin zen et une vie de beauté, de luxe et de volupté pour ces cailloux littéraires et transcendés par la lecture. Et pour leur donner chair, qu’ils ne soient pas que de pauvres pierres désincarnées pourquoi pas leur accorder des vertus thérapeutiques, en faire des cailloux chauffants pour apaiser les douleurs (et plus si l’imagination du Paresseux s’enflamme^^)… Il y aurait bien sûr un poulailler unique près de la roulotte-gîte-spa… Mouhaha ! Tes cailloux m’ont retourné le cerveau ! merci merci ! 😆
En fait, tu trouves que les feuilletons c’est mieux quand on peut lire tous les épisodes d’un coup ? :))
Bah non, j’eus préféré les lire tous les soirs ou tous les deux soirs comme j’aime le faire d’habitude mais vu les circonstances, finalement c’est bien aussi ! 😥 Tu as saisi la nuance ??? 🙂
Les cailloux repartent pour un tour dans la poches du gamin du début qui va faire des ricochets avec eux sur la mare aux canards. Les voilà envasés à faire du sous l’eau et à regarder les carpes faire des bulles.
Un espèce de Vingt mille cailloux sous les mares ? joli !
Les jours et les années passèrent. Sans que les cailloux ne changent pour autant, ou si peu. L’histoire dit toutefois que peut-être, quoique si c’est vrai ce ne put être que bien lentement, peut-être donc, par la force du temps et des choses, en vinrent-ils à honorer leur nature unique de cailloux ordinaires. Combien de temps cela leur prit-il? Seul Dieu, oui oui ce drôle de mec à la barbe blanche et à la grande toge bleu ciel, celui-là même qui tient la boule qui contient l’univers entre ses grandes mains blanches, seul Dieu dis-je, ou personne si ça se trouve, le sait. Car ainsi va la vie, du moins c’est ce qu’on dit. Alors pourquoi pas celle des cailloux.
Et bon matin à toi là-bas, de l’autre côté de l’océan. ;- sourire
ça prend un peu de temps mais les cailloux acceptent donc qu’ils sont uniquement des cailloux, mais des cailloux uniques. ok !
Les sept feuilles se rêveillèrent, toutes aussi surprises d’avoir fait le même rêve durant cette nuit ventée, se rêvant cailloux intrépides… Quelle ne fut pas leur surprise de voir qu’elles étaient toutes sept tombées au sol… Un somme, présage de retour à la terre en somme !
J’aime bien ces feuilles qui rêvent d’être des cailloux qui rêvent de devenir des poules qui rêvent de manger des grains de pomme, tombée de l’arbre ou se trouvent les feuilles qui rêvent (hop, la boucle est bouclée).
Le huitième caillou se prit pour Zarathoustra et philosopha par monts et par vaux sur la triste condition de caillou.
Merci Virginie !
(mais les cailloux sont-ils si tristes ?)
Peut-être y-a-t-il des cailloux heureux et optimistes comme des humains… Qui sait ? 🙂
Dans les propositions, j’aime bien l’idée des 7 feuilles pour l’histoire (veut pas que ça se termine!)mais la loi de la créativité m’a bien fait rire.
Ils ont quand même un bel esprit d’analyse, ces cailloux.
Je suis d’accord, il y a de jolies propositions ! Mais ça va se terminer quand même, un de ces jours….(
Le Hardi Petit Tailleur repasse par là, attrape les 7 petits cailloux (7 d’un coup) et va les poser sur chaque lit des 7 nains. Blanche-Neige (c’est la fermière) récupère Guillaume Telle et son lardon emplumé et les installe, bien tranquilles, dans la chaumière.
🙂
Le caillou qui pourrait se prendre pour Zarathustra (ou Zoroastre), prophète du Dieu Ahura Mazda, serait bien inspiré car Mazda signifie la Lumière (ou la sagesse). Ainsi le soir, les petits cailloux pourraient-ils lire plus aisément. (d’où les lampes Mazda).
Mazda (qui n’est pas un taiseux) :
« Oui, je le connais, cet homme / Qui a observé mes lois / Zarathoustra est son nom! » (Gatha Ahounavaïti), XXIX).
Faudrait d’abord qu’ils apprennent à lire, avant de lire la nuit 🙂 !
mais je note la piste des cailloux lumineux
Délaissés et forts maris, ils décidèrent de se créer un langage à eux qui renforcerait la cohésion du clan et limiterait l’intrusion d’éléments sentimentaux perturbateurs, sur la base de ce qu’ils avaient appris de celui de la poule ! Et pour commencer lassés de porter un simple chiffre se donnèrent des noms, le premier se nomma bijou, le deuxième caillou, le troisième pou…
Joli piste… Mais… un caillou nommé caillou ? vraiment ?
🙂
Tant qu’ils ne sont pas nommés, ils ne savent pas qu’ils sont des cailloux normalement ! donc en nommer un caillou pourrait commencer à créer une dynastie à l’origine des noms de caillou :…caillou I caillou II ..
C’est pas faux, mais alors il faudrait aussi une dynastie de Joujou I, Joujou II ; de chou I, Chou II, et ainsi de suite pour les sept…
sans compter que ça pose aussi la délicate question de la génération chez les cailloux…
🙂
IL faudrait prévoir des guerres de successions :§
quant à la génération des cailloux, s’ils ont la tête dure ils peuvent avoir le coeur tendre ?
« Les cailloux repartent pour un tour dans la poches du gamin du début qui va faire des ricochets avec eux sur la mare aux canards. Les voilà envasés à faire du sous l’eau et à regarder les carpes faire des bulles. »
Excellent épisode. (En particulier le code codec) 🙂
Et le bec de Telle qui brise le silence d’un coup ! Du grantart !!!! 🙂
🙂
Allez hop douze propositions, 27 suffrages, j’arrête le sondage. Le dernier épisode ? ce soir ou demain !
et encore merci pour toutes les propositions ébouriffantes 🙂