Un caillou n’attend rien (les sept cailloux, 5)

Résumé des épisodes précédents (un, deux, trois & quatre) : sept petits cailloux menaient une vie paisible, jusqu’au soir où sept nains avides de pierreries s’arrêtèrent devant eux, bientôt rejoints par un enfant perdu, puis une et bientôt sept pommes qui roulent. Soudain, tout ce petit monde disparait dans la nuit, laissant les cailloux en plan sous la pluie.

* * *
Oubliés, les sept cailloux. Ils restèrent seuls sur leur bord de chemin, à attendre.

Attendre quoi ? Rien. Ils savaient bien qu’un jour ou l’autre, la pluie s’arrêterait, qu’à un moment donné, le jour se lèverait, que des trucs adviendraient, comme un lapin blanc qui passerait, pressé – ils sont toujours pressés, les lapins, comme s’ils étaient toujours en retard. De toute façon, pour les sept cailloux, le jour, la nuit, la pluie, les lapins, tout ça, c’était de la garniture, de la fantaisie, comme les nains, les pommes et le gamin perdu de tout à l’heure. Juste un moment qui passait. Vous me direz qu’ils oubliaient un peu vite la trouille qu’ils avaient eu d’être emportés dans un coffre de nain ou une poche d’enfant et dispersés le long des chemin ou taillés en pointe de diamant ; et vous auriez raison.

Eux aussi avaient raison, sur un point : la pluie s’arrêta. Mais tort sur un autre : la nuit continua au-delà de la durée raisonnable qui lui était assignée. Enfin, c’est ce qui leur sembla. Tout autour d’eux, la nature s’était mise à bruire des sons de l’aube puis du petit matin : chants d’oiseaux – tour à tour et par ordre d’apparition, merle noir – premier levé -, puis rouge-gorge, pinçon, fauvette, grive, puis accenteur mouchet et chardonneret… – ; légers frôlements d’herbes, minuscules éboulements de taupinières, furtifs piétinements de multiples petites pattes de souriceaux, hérissons, musaraignes, renardeaux, lérots…. bref toute la fioriture d’un petit matin banal se faisait entendre, mais les sept petits cailloux n’en voyaient rien, comme si la nuit était restée blotti juste autour d’eux. Même les sons leurs parvenait atténués, cotonneux.
Pourtant, le jour devait s’être levé : d’ailleurs, après le froid vif et humide de la nuit, ils se sentaient maintenant baignés dans une douce chaleur pareille à celle du soleil qui donne sur des pierres. Et même ils ressentaient une drôle de sensation de confinement, d’étouffement qui n’était pas désagréable, mais, à force, un peu oppressante, même pour des cailloux.

Et puis soudain, la lumière revint, éblouissante, à travers une masse de plumes rousses perchée sur deux pattes grêles ! Puis une tête embecquée tourna vers eux les deux pointes d’épingle de ses yeux et les contempla l’un après l’autre, l’air de compter à voix basse. Puis la poule – car c’était une poule – ouvrit son bec et poussa un « cot-cot-clot » triomphant, suivi d’un « Sept d’un coup ! J’en ai pondu sept d’un coup ! »

Voilà ce qui s’était passé : dans la nuit, l’orage avait frappé le poulailler d’une ferme des environs ; une des poules, étonnée – au sens fort du mot – par la foudre, avait divagué jusqu’au petit chemin et là, s’était assise et endormie sur les sept petits cailloux ronds et blancs. D’où l’obscurité, la chaleur et le silence qui avaient bercés les cailloux.

La poule – que la fermière avait baptisée Guillaume Telle, à cause de sa manie – à la poule, pas à la fermière – de viser et frapper avec une précision imparable les graines et autres grains de pommes qui passaient à sa portée -, la poule, donc, sitôt levée, se mit en chasse, frappant le sol du bec avec la régularité d’un métronome, et chaloupant de ci delà à la poursuite de grains plus ou moins imaginaires. Elle s’arrêtait parfois pour dresser le cou, considérer sa couvée d’un oeil perplexe et cotcoter sa fierté d’en avoir pondu sept d’un coup.

Quand Guillaume Telle eut poussé son estimable croupion, les sept cailloux découvrirent que la poule s’était trompée deux fois : d’abord, bien sûr, elle ne les avait pas pondus : ils étaient là avant elle, c’était bien la preuve. Et aussi qu’elle ne savait pas bien compter, car ils étaient désormais non plus sept, mais huit ! Ils ne perdirent évidemment pas de temps à se demander d’où provenait ce huitième caillou : il était là, présent, de l’évidente présence propre aux cailloux, et cela suffisait. Et puis le nouveau venu était si blanc, si rond et ovale en même temps, si statique, si dense, silencieux, bref si idéalement et parfaitement caillou qu’ils en furent stupéfaits et tout rassotés.

A ce moment là…

* * *
qu’est-ce qui arrive à ce moment là ? à ton avis, lecteur ?


il suffit, comme pour les épisodes précédents, de choisir ci-dessus une proposition, ou, via les commentaires,  d’en faire d’autres que j’ajouterais dans le sondage. La lauréate me servira de point de départ pour le prochain – et sans doute avant-dernier – épisode.
Et merci pour toutes les pistes proposées pour les épisodes précédents !

45 commentaires

  1. Manifestement, on a perdu les nains, le môme et même les pommes. Tant pis.
    Va pour la poule et la fermière comme nouveaux personnages. Tant qu’on ne perd pas les cailloux…
    Je vote pour la première option (La fermière récupère la poule et sa couvée).

    • Oui mais l’histoire est bien celle des « 7 petits cailloux »…
      Tout se tient pour le moment. 🙂

    • C’est l’histoire des sept petits cailloux, faut bien que les comparses leur laissent un peu le devant de la scène. Et rien ne dit que les nains, le môme et les pommes sont perdus à jamais….
      🙂

  2. Il est extra cet épisode ! 😀 Tu as minutieusement observé les poules, même sans la citer on devine de suite de quoi il s’agit ! Personne ne veut la voir mangée par un renard en tous cas !!! Mais que sont devenus ses oeufs ? Ou son oeuf ?…Le suspense est insoutenable ! 😆

  3. silencieux, le 8ème ? vite dit !!! tout d’un coup on entend, venu de l’intérieur, le chant d’un marteau piqueur………………

  4. Le mioche perdu n’était autre que « Le vaillant petit tailleur ». Il vient chercher les sept cailloux. Il offrira l’étrange 8° à la fille du roi (tu sais ? la cousine de Guillaume Tell ?)

    • Mais si la fille du roi est la cousine de Guillaume Telle, qui est une poule, la fille du roi est elle même une gallinacée, tandis que le roi est un poulet, non ?
      donc le môme va offrir un oeuf à une poule ? ok, c’est noté !

  5. L’arrivée de Frigor dans l’histoire est pour ma part une avancée fondamentale vers l’identification du schmilblick. Je vote pour l’abribus de la ligne 33.
    Et puis « la tête embecquée qui tourne les deux pointes d’épingle de ses yeux » vers l’orbite des cailloux est une merveille. La lecture de l’épisode 5 m’a jetée dans l’extase admirative. Et encore, je pèse mes mots.

  6. Comme Gibulène, j’ai pensé au vilain petit caillou!!!
    Dis donc, tu as répondu à une énigme existentielle, il faut le souligner (qui est arrivé le premier, l’oeuf ou la poule?) Merci, merci beaucoup pour cette réponse qui soulage mes vélos cérébraux 😀 😀 😀

      • m’est avis qu’au point où on en est dans l’irrationnel l’éclosion peut intervenir au prochain chapitre sans choquer les nains, le petit poucet, la poule ou les cailloux………. tu as déjà essayé de faire rentrer un marteau piqueur dans une coquille d’oeuf ? 😀 😀 😀

  7. Ce sont des cailloux taoïstes. « La multiplicité des êtres / Est née de quelque chose /
    Et ce quelque chose / De rien. » (Lao Tseu)

      • c’est vrai, un peu de taoïsme nous empêcherait peut-être de nous perdre ! si les cailloux sont taoïste il y a forcément une fontaine feng-shui pas très loin !

  8. Comme le petit Poucet, vais pas prendre le caillou en marche, dit-il en sifflotant un morceau des Rolling Stones (démarrons du premier, histoire de pas se perdre).

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