Dans le silence de la nuit (les sept cailloux, 3)

résumé des deux premiers épisodes : sept petits cailloux menaient une vie paisible, au bord du chemin qui longe l’orée de la forêt. Jusqu’au soir où sept nains avides de pierreries s’arrêtèrent devant eux…

* * *

Alors, dans le silence de la nuit, les sept cailloux et les sept nains entendirent une drôle de voix qui marmottait des paroles indistinctes. Instantanément, les quatorze protagonistes se figèrent ; les nains, parce que s’ils sont aussi cupides et avares que robustes et résistants, ils sont surtout aussi froussards que craintifs et détestent les surprises, même pour leur anniversaire – ce qui n’était pas le cas -, et encore moins les surprises qui se manifestent la nuit à l’orée d’un bois alors qu’après une longue journée de travail ils rentrent du boulot en portant des sacs d’or et de pierres précieuses – ce qui était le cas.
Les cailloux, parce que se figer est ce qu’ils font le mieux.

Puis il y eu un mouvement à l’orée du bois et une grande ombre se découpa sur l’ombre plus grande de la nuit, à quelque distance du chemin où se trouvaient, comme chacun s’en rappelle, les nains et les cailloux. L’apparition semblait gigantesque pour les nains – par nature de taille modérée – et, évidemment, plus qu’immense pour les petits cailloux ; mais, phénomène curieux, elle diminuait en stature à mesure de son approche, au lieu de croître comme il est de mise quand les distances se réduisent. Bientôt la lueur d’une lanterne éclaira le phénomène : ce qu’on avait aperçu au début, ça n’était pas la silhouette d’une énorme créature ébouriffée, mais tout simplement l’ombre du porteur de la lanterne, projetée sur l’écran des arbres de l’orée du bois ; à mesure qu’il s’était avancé, l’ombre s’était réduite, car le quidam n’avait rien d’un géant : moins qu’un ogre, pas même un bucheron… zut alors ! Un mioche ! Et encore, un petit gabarit, trébuchant sous un fagot de brindilles qui ne contribuait pas peu à l’allure terrifiante de son ombre.

La distance diminuant à mesure de sa marche, son grommellement devint audible : « Mais où donc sont passés ces fichus cailloux ? Et mes frères ? Décidément, ça va mal : si je ne retrouve ni mes frères ni les cailloux, je vais passer la nuit tout seul perdu dans la forêt. Si je retrouve mes frères mais pas les cailloux, on n’arrivera pas à rentrer chez nos parents ; et si je retrouve les cailloux mais pas mes frères, je pourrais rentrer mais je me ferais drôlement enguirlander une fois à la maison… Zut, qu’est-ce qu’ils m’embêtent, tous ! »

Tout en écoutant ce soliloque, que faisaient les nains et les cailloux ? Les nains, trouillards et circonspects comme déjà dit, s’étaient emmitouflés qui dans sa pèlerine, qui dans sa cape, qui sous son capuchon, afin de se rendre aussi invisibles que possible. Ce qui, dans la nuit noire et face à un enfant égaré et à moitié aveuglé par sa propre lanterne, n’était pas un tour de force invraisemblable. Les cailloux, eux, se tenaient cois, essayant de se faire aussi petits et denses que possible. Ils y arrivaient raisonnablement.

Arrivé au niveau des cailloux cois et des nains invisibles, le môme s’arrêta au beau milieu du chemin. De près, maigrelet et fluet, il n’était plus du tout impressionnant, surtout une fois posé le fagot. Brandissant son lumignon à bout de bras, il tenta de repousser les ténèbres alentours – sans grand résultat, les ténèbres s’accrochant au paysage avec d’autant plus opiniâtreté qu’il faisait nuit noire.
« Bon, faisons le point : y a plus d’arbre, c’est déjà ça. Au pire, je passerais pas la nuit perdu dans la forêt, mais sur la lande. »
A ce moment, la faible lumière de sa loupiote se posa sur les cailloux.
« Tiens, des cailloux ; ça serait trop beau si c’était ceux que j’ai perdus. Il suffirait que je les suive et ils me ramèneraient à la maison. Oui, mais il faut d’abord que je retrouve mes frères…
Zut, et si je les suivais dans l’autre sens, comme qui dirait à contre-courant, jusqu’à l’endroit où mes frangins se sont paumés ? C’est une idée, ça… faut peut-être que je les remette dans ma poche et que je les re-sème le long du chemin ? Mais alors il faudrait que je me rappelle où je les avais semé ce matin.
Et puis si c’est pas ceux que j’ai perdu, qui sait où ils vont m’emmener ? Et qu’est-ce qu’ils ont l’air lourds. La prochaine fois, je prendrais des miettes de pains… Zut, ils m’embêtent tous… »

Les cailloux et les nains écoutaient ce discours avec appréhension : les premiers, parce qu’un voyage dans la poche d’un enfant perdu ne les tentait pas plus qu’un long séjour dans un coffre de nain ; les seconds, parce qu’ils attendaient que l’intrus passe son chemin pour, haï hi, ramasser les cailloux et rentrer manger, haï ho.

A ce moment, on entendit le pom et le rac-clac-clac d’une pomme rouge qui choit et roule… roule et roule d’un bord à l’autre du chemin, jusqu’à s’arrêter contre la chaussure d’un des nains ! Le môme affamé se baissa pour la ramasser et découvrit la naine bottine, son nain propriétaire et les nains environnants.

Une main sur la pomme rouge, il dit :…

* * *

…à ton avis, lecteur, il dit quoi ?

 

il suffit de choisir ci-dessus la proposition la plus alléchante ou d’en proposer d’autre dans les commentaires. Je les ajouterais dans le sondage ; l’option retenue servira de point de départ pour le 4e épisode (autour de dimanche je pense). Et bien sûr, si quelqu’un veut imiter Une Patte dans l’encrier et prendre à son compte l’histoire des sept petits cailloux, d’avance merci !

32 commentaires

  1. Tiens, un pied ! Un pied perdu lui aussi dans la forêt ? Comme c’est bizarre !… J’ai dit : bizarre ? Comme c’est étrange !….

    et hop, débrouille-toi Carnet pas-resseux ! 😀

    • Dominique, pas d’inquiétude, le pied est au bout de la jambe du nain, haï hi, il n’est donc pas perdu haï ho ; enfin, sauf si le nain se perd….
      d’accord, je vais me débrouiller !

  2. Nos propositions précédentes ont été très bien intégrées!
    Je me régale à te lire.
    La pomme était tombée à cause de l’orage qui arrivait. C’est ce que le Petit Poucet est en train de découvrir à la lueur des éclairs. En plus, il tonne. Badaboum!…

    • Faut dire que ce sont les propositions qui font l’armature de l’histoire que je découvre au fur et à mesure.
      Bon, alors non seulement il pleut, mais c’est même un orage…? prochain épisode : l’histoire des sept parapluies et du paratonnerre, badaboum !

      • Exact ! Un mini-ogre, un mouflet cannibale, un poucet cruel, un enfant goret, un Shrek péteur et goulu, un avaleur de gentils lutins, un dévoreur de bonnes âmes, un…, un…
        Ouh, là, on est bien vendredi, dis donc, et je suis bien instit’, y a pas de doutes…(non, je blague !!)

  3. Tu nous vends -pour pas cher en plus, ce qui me va- du rêve, Carnets… J’adore !! Com’ je sens qu’il faut un quignon à cette histoire pour qu’elle ne s’émiette jamais, le nain laisse choir le ranci reste de pain de sa ripaille de Midi à droite de sa chaussure, à gauche de la pomme !!

  4. Si les nains avalent les cailloux et préviennent le môme qu’il risque de se casser des dents, ils auront peut-être la vie sauve. Si le môme mange quand même les nains, il risque de casser la cuvette des toilettes in fine.

    • donc, le môme perdu cite Horace ? d’accord 🙂

      pour les lecteurs non latinistes : « frappe du pied »
      et l’Horacerie complète :

      « Pallida mors aequo pulsat pede pauperum tabernas Regumque turres » / la pâle mort frappe d’un pied indifférent les masures des pauvres et les palais des rois.

  5. Je soupçonne le môme de se prénommer Horace. D’où la tirade célèbre, « Ho race, oh désespoir, oh bottine dans la nuit » !
    La petite musique de fond est intrigante et le suspens suffoquant.
    Il me tarde de lire la suite.
    🙂

    • Merci Jobougon (et bienvenue). Pour moi aussi, le suspense est suffoquant, car je découvre l’histoire au fur et à mesure des propositions des lecteurs…
      La suite ? elle arrivera ce soir. D’ailleurs, je bloque le sondage.

  6. J’arrive trop tard pour le vote 😦
    Pas grave je me régale (j’aime beaucoup la capacité des cailloux à se figer et à rester cois :-))

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.