Une histoire incroyable (3)

Résumé des épisodes précédents (là, le 1 ; ici le 2) : Quoi-de-Neuf écoute Raconte-Encore qui lui raconte ses déboires avec le cheval venu chercher de la poésie à la librairie…

« Mine de rien, je n’aurai pas cru ça si difficile, de trouver de la poésie équestre, s’autorise Quoi-de-Neuf. A t’entendre, on dirait que c’est bien plus rare que la statuaire du même nom. Et donc, c’est pour te débarrasser du cheval que tu l’as envoyé à la bibliothèque municipale ? Pas très sympa pour les bibliothécaires, tout de même.

– Non mais je t’en prie, je ne suis pas ce genre là ! Attends la suite. Je continue ma quête, un peu désemparé, mais j’ai beau fourrager dans mon stock, c’est en vain qu’on cavale au hasard des rayonnages : rien ne lui va à ce cheval ! J’en bafouille de fatigue, au point que je suis à un cheval… pardon, un cheveu de lui vanter le Dormeur du cheval de Rimbaud…. ouf, il laisse passer sans broncher. Faut dire que pendant que je cherche un poème qui lui plairait, Monsieur se délasse le sabot en grignotant quelques premiers romans de la dernière rentrée littéraire. Je laisse faire – autant de retours à l’éditeur de moins à mettre en carton – et je me concentre.

D’un coup, je me rappelle que le thème du printemps des Poètes de l’autre semaine c’était l’insurrection poétique. Insurrection plus cheval…. ça donne quoi ? Jetons un œil du côté du surréalisme ; Desnos ? Mouais, fausse bonne idée : fougueux comme il est, est-ce mon cheval lecteur va supporter cinquante-deux vers de forêt de fleur d’amour d’arbres – chênes, frênes, peupliers, fougères, roses, chrysanthème – de corolle de volcans de solitude de pulpe de fruits de pince de homard bien rouge restée à côté de la marmite de bougie et de flamme et de villes avant de voir apparaitre les grands chevaux migrateurs qui piaffent dans leurs écuries lointaines pour s’en aller aussitôt ? Non, pas la peine d’essayer, je l’entends déjà me hennir un grinçant :

– N’hennie, hors-sujet !

Laissons tomber le surréalisme. Un peu avant, il y a qui ? Tristan Tzara ? Ce pourrait être une idée ! Ni une ni deux, je propose à mon cheval lecteur une anthologie de poésie Dada. Comme il reste coi, je le questionne pour savoir s’il trouve ça beau. Ni une ni deux, il me demande si je veux un des siens dans les naseaux !

– Dis donc, avec des lecteurs pareils, dit Quoi-de-Neuf, les poètes n’avaient pas tort de rester dans leur tour d’ivoire.

– Peut-être. Mais ils auraient aussi pu penser aux libraires qui essaient de vendre leurs élucubrations. De toute façon, j’ai pas les moyens de faire refaire la devanture en ivoire, et puis c’est interdit à l’exportation. Bon, revenons à notre cheval. Au moment où je perds courage, je pense à Jacques Prévert…

– Ben oui, tu aurais pu commencer par là, un Prévert, c’est bien pour un cheval.

– Je t’en prie, si tu ne peux pas t’empêcher de faire des jeux de mots, essaie d’en trouver de moins prévisibles !

– Si ça te fait plaisir, d’accord. Mais tu noteras que, même mou, un pré visible, c’est bien aussi pour un cheval.

– Quoi-de-Neuf, ce que tu peux avoir l’air bête quand tu débites tes sottises !

– Et c’est toi qui dis ça. Remarques qu’avoir l’herbette, pour un cheval…

– Bon, suffit ! Tu veux savoir la suite ? »

 

et, en effet, à suivre…

 

*  *  *

Les lecteurs qui souhaiteraient lire plus avant les poèmes évoqués par Raconte-Encore ou péremptoirement interrompus par le cheval peuvent cliquer sur les liens soulignés dans le texte, ou listés à la queue leu-leu ci-après : Arthur Rimbaud, le Dormeur du val ; Robert Desnos, De la fleur d’amour et des chevaux migrateurs. Quant à Prévert, il va falloir attendre le prochain (et dernier) épisode.

24 commentaires

  1. Henni soit qui mal y panse !!!! abandonner en course ? pffffff queue nenni !!! tu as essayé de lui parler à l’oreille à ton étalon ?

  2. ha ha « que n’hennie » ! j’adore même les jeux de mots « prévisibles » me font rire, je suis bon public et ton histoire se corse, il faut dire ce cheval se carne au fil des épisodes, va-t-il devenir haridelle en ces temps de printemps où seules les hirondelles font rêver ??? La suite !!! Avec pâques on te pardonne ton retard, tu fais comme tu peux tant que tu ne nous laisses pas en plan-plan ! 😉 Dis donc, Rimbaud, c’est quand même Le dormeur du Val, le poème initial hein ! Sinon j’aime beaucoup Les chevaux migrateurs de Desnos !

    • Merci Asphodèle !
      Quel retard ? j’ai jamais promis un épisode par jour, ça n’est pas la 1002e nuit !
      Mais bon, on va finir cette semaine.
      Enfin, je vais essayer.
      🙂

  3. Je dois avoir un poème de Tristan tzara dans mon stock 🙂
    Je vais « fourrager dedans  » on ne peut laisser un cheval dans un tel état de détresse 🙂
    Un guide de voyage pour la Ponylésie ?

    • Jacou, le Plume de cheval des Marx Brothers ? ça serait tentant, mais c’est pas exactemeent de la poésie, et Raconte-encore ne vend pas (pas encore) des cassettes vidéos 😦

  4. Bon, je ne me suis pas laissée surprendre cette fois-ci… j’ai bien compris l’idée de suite, 😉
    comme les jeux de mots parsemés le long du texte 🙂
    Et puis savoir que Prévert sera là au dernier épisode me plait beaucoup.
    J’attends donc…

    • Si le « à suivre » n’est plus une surprise, peut-être que le « fin » pourrait en être une ?

      Prévert sera au rendez vous, mais c’est décidé, le prochain épisode sera le dernier 🙂

  5. Tiens, j’ai un truc de Luc Bérimont (Vent de nuit):

    « Au fond du noir fond noir où je m’entends nommer,
    Quel cheval aux yeux doux, quelle morte
    Espéraient que je m’allât livrer, ayant soufflé ma lampe? »

    Il en dit quoi, le canasson?

    (bon, mais moi j’aime bien…)

    • Merci Mo (ou Marc?) de venir à l’aide du libraire !
      Vu son sale caractère (au canasson), j’ai bien peur qu’il hennisse un péremptoire :

      – Pffff, non mais il est macabre son poème à m’sieu Bérimont !

      (moi, j’aime bien, mais on ne me demande jamais mon avis)

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