Que se passe-t-il quand on referme un livre ? Les personnages restent-ils figés dans leur dernière attitude, comme coincés entre les pages ? Ou bien continuent-ils tranquillement leur petites aventures, cette fois sans témoin ? Ou encore profitent-ils de l’absence des lecteurs et de l’auteur pour régler leur comptes ? On achève bien les chevreaux faisait déjà un petit tour de ce côté là ; Aujourd’hui, voilà que la Petite marchande d’allumettes s’y met ! Le conte d’Andersen est trop connu pour qu’il soit nécessaire de le résumer, je me borne donc à en citer les deux derniers paragraphes avant d’enchaîner : Le lendemain matin, cependant, les passants trouvèrent dans l’encoignure le corps de la petite ; ses joues étaient rouges, elle semblait sourire ; elle était morte de froid, pendant la nuit qui avait apporté à tant d’autres des joies et des plaisirs. Elle tenait dans sa petite main,toute raidie, les restes brûlés d’un paquet d’allumettes. – Quelle sottise ! dit un sans-cœur. Comment a-t-elle pu croire que cela la réchaufferait ? D’autres versèrent des larmes sur l’enfant ; c’est qu’ils ne savaient pas toutes les belles choses qu’elle avait vues pendant la nuit du nouvel an, c’est qu’ils ignoraient que, si elle avait bien souffert, elle goûtait maintenant dans les bras de sa grand-mère la plus douce félicité.
Aussi bien ceux qui versaient des larmes que le sans-cœur ignoraient – mais comment auraient-ils pu savoir cela ?- que, de là haut, blottie dans les bras de sa grand-mère, la petite fille aux allumettes venait de retrouver, au fond de la plus trouée de ses poches, une dernière allumette.
Elle joua pensivement avec, puis la laissa tomber, enflammée, vers la terre. Et voilà que l’allumette allume la cité de Troie ! Brûle le temple d’Artémis à Ephèse, calcine la grande bibliothèque d’Alexandrie, dévore la ville de Rome – Néron, coupable idéal – puis embrase Lvov et Plov en Pologne, flambe Jeanne à Rouen, grille le grand bazar d’Istamboul, incendie le Globe Theater de Londres. Une fois lancé par le monde, le grand feu consume encore La Nouvelle-Orléans, Moscou (Napoléon dehors !), Atlanta (et tant pis pour Scarlet – au prénom prédestiné, couleur de flamme écarlate – et pour ce fat de Rhett) ; Chicago ? Louvain ? Salonique ? Des braises !
En cendres, le Reichstag de Berlin, le Cristal Palace de Londres, les Docks de Marseille ; et le grand incendie avale encore les villes martyres, Dresde, Oradour, Berlin, Hiroshima, Nagasaki.
Et hier, Sarajevo.
Tous ces brasiers, tous ces désastres, tous ces avertissements, c’est bien sûr en pure perte.
Qui songerait, en ce lendemain de Nouvel An repu et confortable, que la longue litanie des flammes pourrait être née de la douleur et de la colère d’une de ces petites filles maigrelettes et aux joues blêmes à qui notre monde refusera toujours une minuscule place au coin de l’aître ? Et, si par hasard on y songeait, qui essayerait d’y changer quelque chose ?
Meilleurs vœux 🙂
merci et bonne année, Gavroche 🙂
Vu que je déteste positivement cette histoire je trouve que cette fin est très morale !
Merci Martine.
Je trouve que c’est un droit fondamental du lecteur de pouvoir changer les histoires qui ne nous plaisent pas.
tiens, voilà une résolution pour 2015 🙂
Coucou Carnetsparesseux 🙂
Bien triste cette histoire de la petite fille aux allumettes …
Mais si bien racontée
Bonne année 2015 Carnetsparesseux 🙂
tu veux dire l’histoire de la « petite incendiaire aux allumettes » ?
bonne année Valentyne !
Bonjour Carnetsparesseux 🙂
En fait , je voulais dire les deux histoires …
Il faut ABSOLUMENT que tu lise ce livre :
http://lajumentverte.wordpress.com/2013/09/08/gaetan-soucy-la-petite-fille-qui-aimait-trop-les-allumettes/
Un coup de cœur 2013
Bises et bonne année 🙂
Petite, il y a fort longtemps 🙂 j’ai versé des larmes de crocodile en lisant ce conte…
Et aujourd’hui vous venez de serrer ma gorge, avec des doigts d’émotion.
Merci,
Et j’en profite pour vous adresser mes vœux
Si cette année ne vous apporte pas que santé, bonheur et prospérité je vous souhaite les armes pour affronter et vaincre l’adversité. Et quelle soit créative ! 🙂
Merci Zoé, je vous retourne tous vos voeux !
on a du pain sur la planche pour vaincre l’adversité 😦
Mais ce n’est pas ton dernier mot, carnet !
Sus ! A l’assaut des flammes !!! 😀
waouh , elle pète le feu cette petite fille ! tu t’en donnes à coeur joie, Neron virtuel, dans cette fable apocalyptique ! et Nostradamus qui avait TOUT prédit ! et Sodome, et Gomorrhe ! (j’aime bien la musique de « Scarlet et ce fat de Rhett »)
Ah, Sodome et Gomorrhe, je n’y avais pas songé….ce sont des destructions réservées au dieu barbu 🙂
Merci Emma.
UN spectacle pour enfants qui tourne aussi (Belgique / France / Suisse), cette « petite fille aux allumettes ».
Bien le bonsoir, cordialement.
Oui, malheureusement, ce sujet quitte trop souvent le petit monde des mots pour rejoindre le « vrai monde » 😦
D’animal disparu à animal rare, salut amical !
Oups, ta petite fille a fait beaucoup plus de dégâts que la mienne (mais que je déteste ce conte !)
J’ai aussi beaucoup de mal avec les contes pseudo-moraux, affligeants et niais d’Andersen ou de Dickens. Le seul truc bien, c’est quand l’énervement qu’ils provoquent nous pousse à en faire autre chose 🙂
La petite sirène doit sacrément vous agacer alors, dans le genre niais…
J’adore votre petite fille aux allumettes et l’un sans dit (emprunté à « Des arts et des mots », avec son autorisation) qu’elle provoque.
🙂
Joyeux nouvel Août ! Je sussois plusse. J’en est… 🙂
Petite, j’aimais bien la petite fille d’Andersen et grande j’aime bien la tienne !
Merci pour la flamboyante surprise finale 😀
Merci Juliette ! malheureusement, ma « surprise finale » est toujours d’actualité… qui songerait à y changer quelque chose ?