Elle tire le rideau gris qui grippe sur la tringle – qu’importe comment on s’y prend, il ne bouche jamais complètement l’accès -, puis, mi-assise, tourne machinalement le siège pour en régler la hauteur. Comme absente d’elle-même – accomplissant une formalité tant de fois répétée – elle glisse quatre pièces dans le monnayeur, puis fixe l’objectif derrière le miroir. Il lui faut encore choisir le format, toujours le même, avant, enfin, d’appuyer sur le bouton et d’attendre l’éclair du flash sans fermer les yeux – en bloquant sa respiration.
Pour tromper l’attente devant l’appareil – trois minutes, c’est long -, elle jette un œil sur les clichés posés sur la tablette de l’appareil, laissés là par des clients distraits, pressés ou mécontents du résultat. Son regard se fige soudain sur quatre photos jumelles : impossible de s’y tromper, teint blanc comme la neige, lèvres rouges comme le sang, cheveux noirs comme l’ébène, c’est la gamine ! Qu’est ce qu’elle a grandi depuis le temps ! Qu’elle est belle maintenant ! Un vertige la prend tandis que résonne dans sa tête cette voix qu’elle redoutait entendre :
-« Ma Reine, vous êtes ici la plus belle, mais à la vérité Blanche-Neige est plus belle que vous, et mille et mille fois au moins. » Hébétée par le grondement de la colère qui jaillit de l’insupportable blessure, elle titube. Comment faire cesser cette malédiction ? Rage et douleur mêlées, un hurlement lui échappe :
-« Chambellan ! Ordonnez à mon garde-chasse qu’il invite les frères Grimm à une petite promenade en forêt ! Il sait ce qu’il doit faire ! Et qu’il n’ait garde d’oublier son couteau ! »
* * *
Après Dorian Gray, Frankenstein, l’Homme invisible, Alice et Zazie, revoilà les aventures du photomaton.
Un photomaton magique 🙂
Pauvres frères Grimm 🙂 victimes eux aussi de la méchante sorcière 😉
Merci Valentyne !
Où le diktat du jeunisme aveugle et conduit à des décisions extrêmes.
Bravo pour ce dépoussiérage de conte ô combien moderne !
Merci Milton !
Elle ne s’est pas encore calmée la Reine ?
Merci Martine,
on dirait bien que non, la Reine ne s’est pas encore calmée…
T’ai-je dit .. non, je ne t’ai pas dit, mais bon, c’est le moment de te dire : en 2006 – tonnerre, dejà 9 ans ! – en 2006, donc, j’ai commis plusieurs textes avec d’autres auteurs – tu connais ma passion pour l’ecrire-ensemnble – sur le thme PHOTOMATON. L’ouvrage qui fut edite s’appelle PHOTOMATON et j’en ai encore qqs unS disponibles gracieusement, si tu en veux un. Une soixantaine de textes, et pour nous les auteurs, une année de rigolade permanente.
Un recueil sur le thème du photomaton ? ben sûr que j’en veux bien un !
Oops, j’avais oublié que je t’avais promis un exemplaire de Photomaton il y a .. bouhhh presque 2 ans !!! – doit bien m’en rester un quelque part : tu le veux toujours ? ( cadeau !) dis moi ou l’envoyer : tu as mon mail ?
joli remake ! je ne peux m’empêcher de penser au rôle essentiel du photomaton dans le film Amélie Poulain
merci Emma ; le photomaton est un petit théâtre à lui tout seul (d’accord, la scène n’est pas large)