Jack Griffin contre l’Etat

Hier soir, au terme de ce qu’il est convenu d’appeler un marathon juridique, la haute cour a reconnu la validité des constats signés par les experts. Ceux-ci certifient que Jack Griffin a scrupuleusement respecté les consignes officielles qui régissent les prises de vue des photographies d’identité. La cour dans sa sagesse a statué que ces photographies sont donc valides ; que si le visage de Griffin n’apparait pas sur les clichés, c’est un cas de force majeure ; et qu’on ne pouvait prendre prétexte du résultat d’une expérience scientifique hasardeuse pour dénier à l’homme invisible les droits de tout citoyen.

Ce matin, l’administration a fait appel, arguant que si les capteurs sensoriels montrent que pendant les prises de vue l’homme invisible se tenait bien assis, dos droit, visage découvert, sans accessoires – on les aurait d’ailleurs vus – , tête nue (idem, l’invisibilité de Griffin ne s’appliquant pas à quelque chapeau, serre-tête ou barrette), de face, les yeux ouverts et les cheveux ne sortant pas du cadre, rien ne garantit qu’il n’ait pas esquissé un léger sourire narquois – qui contreviendrait au dernier critère requis.

Des sources proches du dossier indiquent que ce soir même, Jack Griffin – dont l’autobiograhie A visage découvert est d’ores et déjà le best-seller de cette rentrée – , devrait déclarer à la radio que l’acharnement judiciaire de l’administration à son égard ne lui laisse d’autre choix que d’attaquer – la mort dans l’âme – les ayants-droits d’Herbert George Wells pour obtenir la réécriture du roman qui, depuis près de cent trente ans, le prive de pièces d’identités valides.

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Tout est parti du Portrait de Dorian Gray. Après Tudinescesoir et Frankenstein, Valentyne (dans les commentaires du Frankenstein) m’a aimablement suggéré de nouveaux héros de photomaton. En voilà donc un, et pas le moins photogénique !

Rappelons que (malheureusement), cette histoire n’est peut-être pas une fiction.