La petite Poucette (5)

– Jeunes filles, ça n’est déjà pas très poli de garder les gens à leur porte la nuit sous la pluie, mais si c’est pour leur dire des choses qu’ils savent déjà, c’est un peu exagéré. Alors, que voulez-vous ?

A ce moment, la petite Poucette pense qu’il est vraiment difficile de parler avec les gens et qu’il faut vraiment tout lui expliquer, à cette dame, même ce qu’elle affirme savoir ! Pendant ce temps, ses sœurs répètent sur tous les tons et à toute vitesse :
– il fait nuit, il fait froid, il pleut, nous sommes sept fillettes perdues, laissez-nous entrer pour nous mettre à l’abri par charité.

Alors, la femme répond :
– Ah bon, puis :
– D’accord. Et enfin :
-Entrez donc, vous devez être effrayées et trempées, toutes les sept, pauvres petites filles perdues dans la nuit.

A peine les fillettes étaient-elles entrées, se bousculant devant le feu pour se réchauffer, gloussant à qui mieux mieux et essayant de repérer la place du garde-manger et s’il y a des saucisses ou un jambon dans la cheminée, qu’elles entendirent un grand bruit qui venait de dehors. L’hôtesse dit alors :

– Ah, c’est mon mari le bucheron qui arrive. Il ne faut pas qu’il vous voit ! Dépêchez-vous de faire le ménage et de mettre la table, puis cachez-vous dans la cuisine, pendant que je le retiens dehors !
Et elle sortit, fermant la porte de la maison derrière elle. Aussitôt les aînées coururent se cacher dans la cuisine, laissant derrière elles la petite Poucette qui commença à faire le ménage et à dresser la table et le couvert. Pendant qu’elle s’agitait ainsi, elle entendit, à travers la porte, le dialogue suivant :

-Femme, j’ai faim, ma soupe est-elle prête ?
– Ah, te voilà. Bonjour aussi. La soupe chauffe dans la marmite. Restons un peu dehors pour prendre l’air.
– Femme, j’ai passé la journée dehors à couper du bois, je crois que j’ai assez pris l’air pour aujourd’hui.
– Je m’en doute que tu as coupé du bois, tu es bucheron. Soucie-toi un peu de moi, qui ai passé la journée à l’intérieur !
– Mais tu peux rester dehors si tu veux, tant que je peux rentrer ! En plus je suis trempé, il a plu toute la soirée !
– Et tu comptes rentrer, trempé comme tu l’es ? Et mettre de l’eau partout à l’intérieur ? Moi qui ai passé la journée à nettoyer ?
– Mais comment sécherai-je, femme, en restant dehors ?
– Et tu comptes rentrer te sécher bien au chaud et me laisser dehors, toute seule dans le noir et sous la pluie ? C’est un comble !
– Femme, j’ai coupé du bois toute la journée et en plus la pluie m’a trempé au retour, alors je ne suis pas d’humeur à plaisanter. Et en plus, c’est mon anniversaire aujourd’hui : je veux ma soupe, mes cadeaux et le gâteau, et vite !
La femme pensa alors que les fillettes devaient avoir eu le temps de faire le ménage et de mettre le couvert : entrouvrant la porte, elle jeta un regard à l’intérieur ; la salle était propre et la table était mise. Elle dit alors au bucheron :
– Bon, puisqu’il n’y a pas moyen de te faire entendre raison, rentrons.

Le bucheron passa le seuil, posa sa hache, accrocha sa houppelande dégoutante d’eau, et reprit :
– Femme, c’est bien, la table est mise ; mais je ne vois ni soupe, ni cadeaux, ni gâteau !
– Si tu le prends sur ce ton, tu peux te servir toi-même !
La petite Poucette, qui s’était caché dans un coin de la cheminée quand le bucheron et sa femme étaient entrés, trouvait que ces deux là n’avaient pas le sens commun : Ils avaient beau grommeler et récriminer, ils ne paraissaient pas vraiment en colère. Décidément, entre ses sœurs qui chantonnaient et babillaient à tous propos et ces deux-là qui semblait jouer à se chamailler, c’était bien difficile de comprendre ce que les gens voulaient dire quand ils parlaient ; elle avait bien raison de se taire.
Elle se dit aussi qu’à la place de la femme du bucheron, elle aurait plutôt gardé le bucheron assis à table plutôt que de l’envoyer dans la cuisine où ses sœurs s’étaient cachées. Si la femme du bûcheron pensait que les fillettes s’étaient assez bien cachées et que le bûcheron ne les trouverait pas, c’est qu’elle surestimait la capacité des ogresses à se cacher : généralement, c’est plutôt les autres qui se cachent quand un ogre entre quelque part. Pendant ce temps le bucheron était arrivé devant la porte de la cuisine qu’il poussa, ainsi que le cri suivant :

– Femme, tu me caches quelque chose…. Je sens…je sens la crème fraiche !

Il entra dans la cuisine. Il y eu un silence, puis on entendit :
– Femme ! Viens voir par ici !

à suivre…ici
l’épisode précédent est là

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