(épisode précédent)
La maigre fillette fit semblant de fermer la porte et s’alla coucher sur un tas de feuilles sèches, dans le fond de la tanière, où elle aurait bien vu le lit de la Grand’louve si la Grand’louve avait eu un lit. Là, tout en rêvant au goût de la galette et à l’onctueux du beurre que le louveteau n’allait pas tarder à apporter, elle commença à se remémorer les différentes étapes qui devaient faire du loup naïf un chaud manchon de fourrure.
Au programme : assommage, égorgeage (la fillette eut un haut-le-cœur), écorchage, dépiautage (beurk !), lavage d’la piau du bestiau (il faudrait aller jusqu’à la rivière), écharnage, grattage, tannage dans l’écorce de chêne (ou de châtaigner ? elle ne se rappelait plus précisément, mais on verrait bien, selon ce qui poussait dans les environs), lavage dans la cendre (de chêne ou de châtaigner ? décidément, ça en faisait des questions), rinçage dans l’eau de la rivière (encore de la marche en perspective), sèchage, brossage et enfin, couture.
Hé bien ça faisait quand même pas mal de travail, et d’un genre pas bien ragoûtant, avant d’avoir un petit manchon. En y réfléchissant, elle se rendit compte qu’en plus d’écorcer un arbre (chêne ? châtaigner ?) il faudrait broyer l’écorce pour obtenir une poudre propre au tannage. Et comment ? Est-ce qu’elle avait un moulin dans la poche, elle ? Tout ça allait prendre un temps, mais un temps ! Oublié, le goûter glouton qu’elle s’était promis : il faudrait rationner la galette et le beurre, les faire durer jusqu’à l’achèvement du manchon. Et ça ne l’empêcherait pas de devenir plus maigrelette encore, au point que le manchon pourrait bien lui faire une capeline ou une houppelande…
Et si la Grand’louve rappliquait dans l’entrefaite ? Où si la mère louve, impatiente de revoir son louveteau, pointait son museau et ses crocs ? Ni l’une ni l’autre n’avaient sans doute prévu pour leur petit loup un avenir en forme de manchon (à deux ou à quatre pattes, les gens sont si traditionalistes qu’ils n’imaginent pour leur enfant d’autre avenir que celui qu’ils ont eu). Elles risquaient bien de ne pas goûter les explications de la fillette, et de n’en faire (de la fillette) qu’une (maigre) bouchée .
Bref, elle gambergeait, couchée dans le noir et les feuilles, et tout cela ne lui paraissait plus si raisonnable, ni malin. Mais d’un autre côté, à cette heure, les poules étaient soit rentrées toutes seules à la ferme, soit dans la gueule d’un renard. Même si elle l’avait voulu, il n’était plus question de retourner là-bas.
A ce moment-là, la maigre fillette entendit un froissement dans les feuilles, là, dehors, devant la tanière. Elle eut un joli frisson de panique. Le bruit s’arrêta juste devant la porte. Tremblante, la fillette retint sa respiration. Dans le silence retentit un toc-toc. Elle répondit d’un souffle, en oubliant de contrefaire sa voix :
– Qui est là ?
(épisode suivant)
On a tous peur! Brrrrr!
Pratique le didacticiel, je retiens au cas où
Merci ! Apprendre en amusant, telle est ma devise :))