(épisode précédent)
Le louveteau, qui ne savait pas qu’il est dangereux de s’arrêter pour parler à une fillette, même maigre, lui dit :
– Je vais voir ma grand’louve, et lui porter une galette avec un petit pot de beurre que ma mère-louve lui envoie.
– Demeure-t-elle bien loin ? reprit la fillette.
– Oh ! oui, dit le Petit loup gris, c’est par-delà le bosquet que vous voyez tout là-bas, là-bas, à la dernière clairière de la forêt.
– Eh bien, dit la fillette, je veux aller la voir aussi ; je m’y en vais par ce chemin ici, et toi par ce chemin-là, et nous verrons qui plus tôt y sera.
Certains trouveront que la décision de la fillette était bien soudaine, et en complète contradiction avec les prudents conseils et les sages recommandations que le fermier lui avait donnés. C’est très vrai. Qui plus est, sa décision contredisait aussi ses propres réflexions, sombres, mais avisées. Mais quelle fillette, maigre ou pas, ne prend jamais de décision irréfléchie ? Ainsi donc, laissant les renards veiller sur les poules, la fillette se mit à courir de toute sa force par le chemin qui était le plus court, et le petit louveteau s’en alla par le chemin le plus long, s’amusant à croquer des vesces de loup, à courir après des papillons, et à faire des bouquets des petites fleurs qu’il rencontrait. Il faut ajouter qu’il n’était pas plus pressé que ça d’arriver, parce que, sous prétexte de lui donner une bonne éducation, Mère louve l’envoyait toujours en commissions, porter des remèdes aux vieux loups gâteux de la forêt, et qu’il trouvait qu’il n’avait pas beaucoup de temps pour s’ennuyer tout seul.
La fillette maigrelette ne fut pas longtemps à arriver à la tanière de la Grand’louve ; elle fit mine de toquer à la porte (elle savait bien que les tanières de loup n’ont pas de porte d’aucune sorte : ça n’est pas la peine, il faudrait être un peu nigaud pour essayer de se glisser dans la tanière d’un loup sans y être invité) et dit :
– Toc, toc.
La Grand’louve n’était pas là. La fillette en fut quitte pour faire les questions et les réponses :
– Qui est là ? (en prenant une grosse voix de Grand’louve)
– C’est votre louveteau, le Petit loup gris (cette fois, la fillette contrefit sa voix pour imiter le petit loup gris) qui vous apporte une galette et un petit pot de beurre que ma Mère louve vous envoie.
– je suis dans mon lit, mais tire la chevillette, la bobinette cherra. (là, avec une grosse voix de Grand’louve).
C’était par jeu, car la tanière de la Grand’louve n’avait ni chevillette, ni bobinette, puisqu’elle n’avait pas de porte (comme il a été dit plus tôt), ni lit, ni d’ailleurs aucun meuble. Mais la fillette trouva que cela sonnait bien.
Elle fit donc semblant de tirer la chevillette, attendit la chute imaginaire de la bobinette rêvée, puis que la porte fantôme fasse semblant de s’ouvrir.
Alors la fillette se glissa dans la tanière. Un instant, elle regretta que la bête soit absente : avec un peu de chance, elle en aurait fait une capeline (il y avait plus de trois jours qu’elle avait froid et rêvait d’une bonne fourrure bien chaude). Puis elle se dit qu’elle aurait aussi bien, et plus probablement, servi de maigre repas à la vieille louve. Et cela lui donna à réfléchir.
(épisode suivant)
C’est un plaisir à nouveau… J’attends la suite avec impatience…
Ben à nouveau merci ! j’espère que la fin (tragique ?) sera aussi bien accueillie.
j’ai un tout petit peu modifié l’épisode du jour depuis sa publication…
Et elle a trouvé le chemin le plus court com’ ça, en un instant… Elle ne s’appelle pas Dora, cette demoiselle ?
Non, mais elle a peut-être lu le conte de Perrault ?
🙂